100 POÈMES CHOISIS,
extraits des livres
de Jean-Paul
Inisan,
+ nouveaux textes inédits.
(Reproduction des textes autorisée avec mention de la source)
Voir aussi 500 citations (extraits très courts) de Jean-Paul Inisan
À MA MÈRE
C'était mon premier rendez-vous
Et ce fut de tous le plus doux
Celui qui marqua le début de mon histoire
Mais dont je n'ai aucune mémoire
Je ne t'ai pas choisie
Tu étais déjà ici
Je suis arrivé sur terre
Longtemps après toi ma mère
Et quand pour la première fois
Tu m'a pris avec amour dans tes bras
Nous avons fait connaissance
En nous regardant longuement en silence
Tu n'as pas eu besoin de parler
Pour que je me sente tout de suite aimé
Je n'étais pourtant pas d'une beauté exceptionnelle
Mais ta tendresse fut tout de suite inconditionnelle
Tu me pardonnas d'avance toutes mes erreurs
Même celles qui plus tard te blessèrent le cœur
Et je m'en voulus souvent de l'angoisse
Que t'inspiraient mes folles audaces
Mais quelle que fut la situation
Tu assuras toujours ma protection
Dans les moments difficiles
Je me sentais toujours tranquille
Je savais que je pouvais compter sur toi
Tu compris tout de suite quelle était ma voie
Ce qui me fait aujourd'hui de la peine
C'est que toi pour moi tu abandonnas la tienne
Et quand survint avec mon père la séparation
Je ne la vécus pas comme un abandon
Ce fut même presque une chance
Pour unir encore plus nos deux existences
Je regrette de ne pas te l'avoir dit plus souvent
Que tu étais pour moi plus qu'une maman
Tu étais aussi une amie et une coéquipière
Dans mes jeux ma plus formidable adversaire
Tu t'intéressais à tout ce que je faisais
Empiétant même parfois sur ma liberté
Ce qui me mettait en rage
Mais je n'étais pas enfermé dans une cage
Mes amis n'étaient pas toujours les tiens
Tu n'en connaissais même pas certains
Et toi tu n'étais pas toujours très sage
Tes amoureux n'étaient jamais que de passage
Si nous partagions les mêmes passions
Cela n'empêcha pas de violentes confrontations
Tu ne cédais pas à mes colères
C'est de cette manière que se forgea mon caractère
J'appris que c'était en te parlant calmement
Que je me sentais écouté et toujours plus grand
Mes désirs et mes rêves devenaient alors acceptables
Et même parfois tout à fait réalisables
Aujourd'hui que tu es partie
C'est ainsi que tu restes présente dans ma vie
C'est ce mélange d'amour de passion et d'exigence
Qui remplit chaque jour mon existence
C'était mon premier rendez-vous
Et ce fut de tous le plus doux
Celui qui marqua le début de mon histoire
Mais dont je n'ai aucune mémoire
Traces de vies, éditeur : Edmond Chemin, août 2023
VOYAGE (extraits...)
Un loup blanc sort soudain d'un sombre bois
Et je me sens perdu complètement aux abois
Ce qui me fait peur c'est qu'il ne semble avoir aucune attache
Je me demande précipitamment ce que cela cache
Mais il marche tranquillement sur le chemin
Il n'a l'air ni méchant ni malin
Il vient vers moi et d'une voix étrangement familère
Mon ami pouvez-vous m'indiquer la lisière
Je lui montre l'arbre le plus proche qui est aussi le plus haut
Je sens que je commence à avoir chaud
Le soleil est au-dessus de moi à la verticale
Tant pis je prends mon vélo il faut que je pédale
Il faut que je m'enfuie de ce monde de fous
Où les messagers s'incarnent dans des loups
Moi je veux simplement comprendre
Sans vouloir à tout prix dans plusieurs vies me répandre
J'aime les chemins les plus courts
Et ceux qui ne rencontrent pas trop de carrefours
Sauf si les directions indiquées sont claires
Et qu'elles ne me demandent pas de revenir en arrière (... /...)
Éclats de miroirs, éditeur : Edmond Chemin, août 2019.
VOUS ÊTES TOUS MES ENFANTS
Dans mon cœur, vous êtes tous mes enfants,
Des uns et des autres tous très différents,
Mais, pour moi, vous êtes tous les mêmes,
Car tous, comme vous êtes, je vous aime.
Enfin, « ici », ici à zéro millimètre de moi,
À cet endroit précis où je vous vois,
Là où je ne vois apparaître
Que l’infinie richesse de vos êtres.
Comme dans un immense écrin,
Ici-maintenant, mon « Je » vous contient,
Comme des brillantes merveilles,
Jamais à elles tout à fait pareilles.
Et c’est le plus prodigieux des bonheurs
Que vous apparaissiez ainsi dans mon intérieur.
J’en reprends toujours conscience
En faisant en moi le silence,
Simplement en vous écoutant,
Simplement en vous voyant,
En acceptant ma totale ignorance
Qui me permet de refaire sans cesse votre connaissance,
De ne jamais me donner de vous une définition,
Aucun jugement, aucune interprétation,
Mais d’accueillir votre inconnaissable mystère,
Qui est la source même de votre Lumière.
Quand je regarde vers Ici,
Vers ce qu’essentiellement je suis,
De moi strictement à zéro millimètre,
Je retrouve mon véritable maître.
C’est comme un cadeau de la Vie
Qui me dit qui vraiment je suis.
Ici, ici je ne vois personne,
Sauf tout un monde qui foisonne.
Dans mon cœur, vous êtes tous mes enfants,
Des uns et des autres tous très différents,
Mais, pour moi, vous êtes tous les mêmes,
Car tous, comme vous êtes, je vous aime.
Traces de vies, éditeur : Edmond Chemin, août 2023
JUSTE PARTI FAIRE UNE COURSE
Ma chérie, ne pleure pas : rien n'a changé,
Tout est resté comme durant ces belles années.
Je suis juste parti faire une course
Tout près de la Grande Source.
Tu sais, celle qu'on aimait tant écouter,
Et rien n'a changé : elle nous fait toujours chanter.
Viens encore ici écouter sa céleste musique,
Vivons encore ensemble des moments magiques.
La main dans la main, le cœur dans le cœur,
Savourons encore longuement notre bonheur.
Ressens encore tout près de toi ma présence,
Du véritable amour l'indestructible permanence.
Je ne suis pas parti très loin,
Je suis là-bas un peu après le jardin.
Je suis juste parti faire une balade,
Par le petit sentier une promenade.
Le temps est toujours très court
Quand il est traversé par l'amour.
Regarde, à chaque instant je te fais signe,
Avec toi je suis constamment en ligne.
Il n'y a jamais eu d'interruption,
Nous serons toujours en connexion.
Pas besoin de cultiver nos mémoires
Pour croire à la suite de notre histoire,
Car tout se passe maintenant et ici.
Que ce soit le jour ou la nuit,
Je réchaufferai ton cœur de ma flamme,
Je te donnerai le meilleur de mon âme.
Il me suffira de continuer à t'aimer,
Il me suffira simplement de te regarder,
Il me suffira simplement de t'entendre,
Il me suffira simplement de te comprendre.
Même si à un autre tu devais te lier
Je ne cesserais jamais de t'aimer.
C'est dans la plus totale transparence
Que je bercerais alors votre romance.
Ma chérie, ne pleure pas, rien n'a changé,
Tout est resté comme durant ces belles années.
Je suis juste parti faire une course
Pas très loin de la Grande Ourse.
Traces de vies, éditeur : Edmond Chemin, août 2023
Vidéo sur Youtube (Appuyez ou cliquez)
RÉINCARNATION
Sans l'uniforme je me sens perdu
Et je ressens toujours ma blessure
Qui ne guérit pas sous mon armure
C'est celle de n'avoir rien vu
On m'a tiré une balle dans le dos
Et je m'en veux ce ne pas avoir senti la menace
Et surtout de ne pas avoir pu faire face
J'en ai toujours le cœur gros
Il venait d'arriver sur la position
Je ne le connaissais pas mais c'était un camarade
Il était arrivé un peu après l'embuscade
Et de la résistante j'avais déjà décidé l'exécution
Je l'avais abattue devant lui avec mon propre pistolet
En la regardant bien en face pour honorer son courage
Et ensuite j'avais brièvement fait son hommage
Et de cela il avait eu l'air choqué
Il m'a demandé si comme lui j'étais lieutenant
Alors j'ai appelé un officier parmi mes hommes
Celui qui était le moins autonome
Car je savais qu'il me répondrait : Oui mon commandant
C'est peu après quand je me suis éloigné
Qu'il m'a abattu par derrière
Par une traîtrise meurtrière
Sans doute parce qu'il s'était senti humilié
C'est une douleur qui me traverse toujours le corps
Du côté gauche de la poitrine
Elle me lancine et me mine
Surtout quand mon ressentiment est fort
Et que j'en ai accumulé longtemps sans réagir
Sans exprimer mes contrariétés ou même mes colères
Et mon attitude n'est alors pas très claire
Elle est comme l'empreinte d'un mauvais souvenir
Je ressens une vague mais très forte suspicion
Envers les autres je suis dans la méfiance
Je crains toujours une manœuvre déloyale
Quand une personne prétend me parler d'égale à égale
Quand une personne s'intéresse à moi
Intérieurement je me sens tout de suite à la dérive
Ma douleur à la poitrine devient vive
Mon cœur à mille à l'heure bat
Il s'emballe comme un train fou
Et c'est mon esprit qui déraille
Et ma confiance en moi qui défaille
Je crains un horrible piège et réagis comme un loup
Mais un loup qui aurait perdu son instinct
Un loup infirme et de bas étage
Qui enfermé dans une étroite cage
Voudrait pour se libérer devenir le plus servile des chiens
Je me sens prisonnier des jugements
Je me sens par les autres pris en otage
Je crains de leur donner de moi une piteuse image
Celle d'un animal sauvage ou d'un homme peu franc
C'est vrai qu'aujourd'hui j'ai pris un nouveau chemin
Mais de mon ancienne vie il reste une profonde trace
Et de ce mal je ne sais comment on se débarrasse
J'attends je ne sais quel événement ou signe du destin
En attendant je m'efforce de donner de moi le meilleur
Je mène une vie humble presque pieuse
Mais ce n'est pas une existence vraiment heureuse
Car je me ressens comme étant un usurpateur
Est-il aussi facile de paraître soudain vulnérable et désarmé
Il doit je pense y avoir un sas une phase transitoire
Comme une sorte de moderne purgatoire
Qui permet de se libérer progressivement de son passé
Quand on a fait de la violence sa profession
Peut-on être si vite pardonné de ses erreurs et de ses crimes
Et recevoir en plus l'amour et la sécurité en prime
Ne devrait-on pas plutôt subir la plus sévère des sanctions
Je ne comprends ni le comment ni le pourquoi
De cette résurrection sans conditions préalables
Sans connaissance de l'irréparable
Tout cela est tellement différent de moi
Mais c'est mon nouveau chemin
Et il va falloir que je change de nature
Que j'accepte ma faute ma blessure
Ça ne va pas se faire du jour au lendemain
Il y aura encore des moments de confusion
Mais je parviendrai un jour à séparer mes deux existences
Et à retrouver une efficace clairvoyance
Je donnerai aux autres autant qu'à moi toute mon attention
Éclats de miroirs, éditeur : Edmond Chemin, août 2019.
OSMOSE
Vais-je te frapper
Toi qui m'as blessé
Au fond de moi le feu de la violence
Veut éclater en une destructrice vengeance
J'avais une attente d'ami
Je te faisais confiance et tu m'as trahi
J'attendais que tu me soutiennes
Et je n'ai reçu que des critiques hautaines
Toi dont je suis le plus proche compagnon
Tu m'as dit que je n'étais pas bon
Et maintenant je veux te faire payer ces paroles
Qui brisaient notre familier protocole
Écouter l'autre le comprendre sans le juger
Être toujours disposé à l'aider
Notre contrat d'origine
N'est plus aujourd'hui que ruine
J'espérais être au moins par toi reconnu
Et tu 'm'as cruellement déçu
Ma colère va faire des ravages
Déjà pour moi tu n'as plus le même visage
Tu as le visage d'un ennemi
C'est celui de la perfidie
Tu n'as aucune excuse
Sauf celle de la ruse
Mais voici que soudain j'aperçois au loin l'horizon
Il m'apparaît comme une gigantesque maison
Dont la porte est une fenêtre
Qui se trouve au cœur de mon être
Mon dieu tu me parais être si précis
Si évident en face de ce flou que je suis
Ce que je suis est devenu indéfinissable
Absolument inaltérable
Alors de toi je ne crains plus rien
Car de toi je me sens plein
Et ce qui me paraissait hier comme une offense
Aujourd'hui me donne la connaissance
Ainsi non seulement je te connais mieux
Mais en plus je sais ce que je veux
Ce que je veux c'est toujours me surprendre
Mais sans pour autant cesser de te comprendre
Je t'aime et je te hais
C'est cela ma vérité
Tes jugements sauvages
Font partie de mon personnage
Je ne suis pas meilleur que toi
Moi aussi je peux te secouer comme une noix
Sans que cela remette en cause
Notre indestructible osmose
Éclats de miroirs, éditeur : Edmond Chemin, août 2019.
ÇA VA PAPA ?
Ça va papa ? Ça va papa ?
Le père était soldat
Et il ne peut pas répondre,
Car il n’est plus de ce monde.
Ça va papa ? Ça va papa ?
L’enfant ne comprend pas,
Il croit que son père sommeille
Et sur lui gentiment il veille.
Au loin grondent les canons.
C’est l’orage, se dit le garçon.
Un éclair le transforme soudain en lumière.
De tout son cœur il embrasse son père.
Traces de vies, éditeur : Edmond Chemin, août 2023
PAIX ET AMOUR SUR LA TERRE
La paix est le plus précieux des biens
Et la guerre est le plus horrible des chemins.
C'est le souvenir d’une cruauté à jamais inoubliable
Qui inflige à tous des blessures inguérissables.
De nos ennemis ne suivons pas la même voie.
Face à l'agression faisons un autre choix.
Celui qui répond à la violence par la violence,
C'est le malheur que pour des siècles il ensemence !
Le Mahatma et son maître Tolstoï l'ont dit :
La loi de l'Amour est la loi supérieure de la Vie.
Alors, sans surtout jamais nous soumettre,
Ne suivons pas l'exemple de nos ancêtres.
Combattre les envahisseurs avec des fleurs,
Ce n'est pas leur montrer que nous avons peur,
Mais c'est l'éblouissante clarté de l'innocence
Qui désarme les persécuteurs de leur obscure ignorance.
La seule victoire qui perdure, c'est celle de la Vérité,
Ce n'est pas celle qui est par la force imposée.
Amis ou ennemis, nous sommes tous respectables,
De la paix et de la guerre nous sommes tous responsables.
Nous sommes tous à la recherche du bonheur
Et en nous tous bat le même grand cœur :
Nous voulons protéger des nôtres les plus fragiles,
Leur assurer un début et une fin de vie tranquilles.
Nous espérons tous le retour des beaux jours,
Nous croyons aux bienfaits de l'Amour,
Nous sommes tous sœurs et frères,
Tous habitants de notre belle planète la Terre.
Traces de vies, éditeur : Edmond Chemin, août 2023
LUMIÈRE DE L'ÂME
Pardon, Maman, d'être partie
Sans t'avoir d'abord avertie,
Mais je n'ai pas choisi mon heure
Pour m'installer dans ma nouvelle demeure.
Je me suis retrouvée soudain ici,
Très loin de ma famille et de mes amis.
Bien sûr, c'est un lieu paisible et indestructible,
Où je ne serai plus jamais une anonyme cible.
Mais tout de même je suis partie trop tôt,
J'aurais voulu revoir notre maison au bord de l'eau,
Jouer et courir de nouveau sur la grande plage
Avec mon petit chien, faire de grands voyages.
J'aurais voulu connaître la fin de tous nos maux
Et apprendre enfin le vrai sens des mots.
J'aurais voulu avoir une gentille maîtresse
Qui m'aurait appris ce qu'est la sagesse.
Car c'est vrai que j'ai été une difficile enfant.
Malgré le danger nuit et jour présent
Je riais souvent comme une folle.
Bizarrement, cette vie me paraissait drôle !
Je sautais, criais, chantais et courais partout
Et tu devais souvent me panser les genoux.
Mais tu le faisais avec une telle délicatesse
Que tes gestes étaient comme des caresses.
Oh, Maman, je ne te le disais pas,
Tout l'amour que j'avais pour toi,
Mais c'est vrai que je n'étais pas un ange,
Ce n'était pas mon genre de faire des louanges.
Pour jouer je préférais les garçons.
Nous jouions à la guerre et au ballon,
Nous jouions à cache-cache
Entre les toiles et les grandes bâches.
Le premier qui me trouvait,
Je lui donnais un baiser
Et je détalais aussitôt comme une gazelle,
Rapide et légère, comme si j'avais des ailes.
Un jour, j'ai fini par m'envoler.
Un matin clair, quelque chose du ciel est tombé.
Il y a eu alors comme le fracas d'un énorme orage
Et j'ai changé brusquement de paysage.
D'ici je t'entends et je te vois très bien.
Je vois ton désespoir et ton chagrin,
Je vois les larmes couler sur ton beau visage.
J'espère que tu recevras ce message !
Maman, il te reste mes frères et mes sœurs.
Tu sais, ils restent présents dans mon cœur.
Je vous protégerai tous par l'infinie puissance
Que me donne mon nouveau lieu de résidence.
Traces de vies, éditeur : Edmond Chemin, août 2023
SONNEZ TROMPETTES
Sonnez sonnez trompettes
Aujourd'hui c'est la fête
Allons danser dans les champs
Tout le monde au premier rang
Olifants de la gloire
Chantez mon histoire
Elle n'a pas commencé
Qu'elle est déjà terminée
Tout est dans le présent espace
Pour le reste il n'y a pas de place
Sauf pour le bonheur
Sauf pour le malheur
Sonnez sonnez trompettes
Aujourd'hui c'est la fête
Allons danser dans les champs
Tout le monde au premier rang
C'est le divin désordre
Celui qui systématiquement déborde
Il déborde nos capacités
Il nous fait tous nous éclater
Ne vous mettez pas en colère
Ici la vie n'est pas chère
Il suffit d'en cueillir les fruits
Le jour et même la nuit
Sonnez sonnez trompettes
Aujourd'hui c'est la fête
Allons danser dans les champs
Tout le monde au premier rang
Ne jouez pas aux anges
À ceux que rien ne dérange
La loi du corps
Impose à tous la mort
Ce n'est pas une raison pour ne pas vivre
La vie n'est pas dans les livres
La vie se croque à pleine dents
Dans l'intensité folle de l'instant présent
Sonnez sonnez trompettes
Aujourd'hui c'est la fête
Allons danser dans les champs
Tout le monde au premier rang
Ce n'est pas que dans la jeunesse
Qu'on peut avoir le cœur en liesse
Le temps n'a pas de compteur
C'est une perpétuelle invention à faire peur
Le temps indéfiniment s'étire
Il n'a point de point de mire
Alors pourquoi serais-je limité
Si on ne peut m'expliquer l'éternité
Sonnez sonnez trompettes
Aujourd'hui c'est la fête
Allons danser dans les champs
Tout le monde au premier rang
Ce qui est définitivement inconnaissable
Génère inévitablement l'improbable
Que ferais-je d'une seule identité
Je finirais à l'usure par succomber
J'en trouve toujours de nouvelles
Qui ne sont pas toujours plus belles
Mais au moins je ne m'ennuie pas
Je change souvent de voie
Sonnez sonnez trompettes
Aujourd'hui c'est la fête
Allons danser dans les champs
Tout le monde au premier rang
Ce n'est ni moral ni scientifique
Là-dedans il n'y a aucune logique
Sauf celle de ma liberté
Qui est d'abord d'être librement né
Et donc de librement disparaître
Sans sacraliser le passé de mes êtres
C'est cet ineffaçable oubli
Qui est le prix de mon infini
Sonnez sonnez trompettes
Aujourd'hui c'est la fête
Allons danser dans les champs
Tout le monde au premier rang
Jean-Paul Inisan ,"CLAIRS DE NUIT", ed. : Edmond Chemin, 2023.
LE GRAND TUNNEL DE LA VIE ET DE LA MORT
Dans cet étrange long tunnel
Qui m’amène vers je sais quel ciel,
Je ne me souviens déjà plus de mon visage
Et encore moins de mon âge.
En route vers un monde lumineux,
Je vous vois de mieux en mieux.
À présent que vous n’êtes plus des images
Je voudrais vous envoyer de beaux messages
Pour vous dire que même si je m’en vais
Je continuerai toujours à vous aimer
Et qu’il ne faut plus penser à ma souffrance,
Car ici je n’en ai plus la souvenance.
Ici je n’ai pas réellement de corps.
Il ne m’a pas suivi, il est resté là-bas, dehors.
Il appartient à une autre histoire,
J’en perdrai même bientôt la mémoire.
Mais je vous vois sur lui vous pencher et pleurer.
Je voudrais vous crier que vous vous trompez,
Qu’il n’a été qu’un étroit habitacle
Qui a connu une très prévisible débâcle.
Je voudrais vous dire que ce n’est plus moi,
Que de la matière brute je ne subis plus la loi.
Ici maintenant je suis fait d’une subtile substance
Qui rend mon champ de vision immense.
Et je dédie l’immensité de mon amour
À toi la douce compagne de mes derniers jours,
À vous mes enfants pour vous faire oublier mes absences,
Vous donner en la vie et en la mort une totale confiance,
Pour vous faire connaître du vrai bonheur le secret
Qui est d’aimer les autres sans rien en espérer,
Car alors plus rien ne vous limite,
Et votre vie devient bien plus qu’une réussite.
Mais voici que je rencontre de rayonnantes entités.
Inconditionnellement je me sens par tous aimé.
Et je vois toujours vos chers visages,
Ils font partie de mon nouveau paysage.
Traces de vies, éditeur : Edmond Chemin, août 2023
RÉPONDS-MOI
Ô ma douce amie
As-tu reçu mon message
Es-tu encore en vie
Ou as-tu fait naufrage
Écris-moi seulement un mot
Qui me fasse croire encore en ton existence
Qui me fasse le cœur chaud
Me redonne un petit peu seulement d'espérance
L'étrange clarté verte de tes yeux
Tamise toujours d'amour mes rêves
Et sur tes longs blonds cheveux
Je ne cesse de poser doucement mes lèvres
Mais tu ne veux plus de mes bras
Tu joues à l'indépendante
Tu veux être conforme à la loi
Tu ne veux plus être d'une femme l'amante
Mais moi rien ni personne ne m'interdira de t'aimer
Car au fond de moi j'ai gardé ton image
Et je ne finirai jamais d'en abuser
Au fond de moi je ne tournerai jamais la page
Je continuerai à me noyer dans ta fraîcheur
À entendre ta voix et tes fous rires
À effleurer ta peau à m'enivrer de ton odeur
Jusqu'à ce que mon cœur et ma vie en chavirent
Jusqu'à ce que je ne sache plus qui je suis
Je remplirai de souvenirs ma solitude
J'illuminerai de joie mes nuits
Ce sera comme une éternelle béatitude
Et quand enfin l'on m'aura jugée et enfermée
En partant je t'enverrai le plus beau des messages
Pour que tu n'oublies jamais notre cher passé
Pour que tu t'en souviennes jusqu'à ton plus vieil âge
Ô ma douce amie
As-tu reçu mon message
Es-tu encore en vie
Ou as-tu fait naufrage
Écris-moi seulement un mot
Qui me fasse croire encore en mon existence
Qui me maintienne le cœur chaud
Me redonne un petit peu seulement d'espérance
Éclats de miroirs, éditeur : Edmond Chemin, août 2019.
CE JOUR-LÀ
C'était un jour de pluie
À un retour de noces
Et nous n'étions pas des gosses
Nous avions déjà vécu notre vie
Pourtant nous nous sommes déshabillés
Et n'avons laissé de notre passé aucune trace
Nous avons reçu le baptême de la grâce
Nous nous sommes regardés
Et ce que nous avons vu
Nous a fait comme disparaître
Nous étions encore à naître
Nous étions totalement nus
La lumière qui enveloppait nos corps
Était celle de notre innocence
Pourtant nous n'étions plus dans l'enfance
Je me sentais même à deux pas de ma mort
Alors que s'est-il passé ce jour-là
C'était un jour de si grande lassitude
Un jour de si grande solitude
Qu'on était prêt à faire n'importe quoi
Nous l'avons fait sans réfléchir
On était sur la même longueur d'ondes
On ne faisait pas partie du même monde
Mais on était plein du même désir
C'était le désir d'aimer
C'était le désir de comprendre
C'était une ardente offrande
L'envie soudaine et folle de tout donner
L'envie furieuse de donner le meilleur de soi
De donner ce qui pour soi est toujours invisible
Ce qui pour soi est toujours immobile et inaudible
Ce qui est à zéro millimètre de soi
Sans rien apercevoir
Je ne peux voir mon visage
C'est comme un océan sans rivages
Une immense clarté sans miroir
Était-ce cela l'amour Notre amour
Cette étrange coïncidence
De deux parcours d'existence
Et ce qui n'aurait pu n'être qu'un carrefour
Est devenu un seul chemin
Cela s'est fait en silence
Nos regards avaient l'éloquence de l'évidence
Et nous sommes repartis main dans la main
Sans la moindre déclaration
Sans le moindre préliminaire
Et après cent mille millénaires
Nous ne lui avons toujours pas donné un nom
C'était un jour de pluie
À un retour de noces
Et nous n'étions pas des gosses
Nous avions déjà vécu notre vie
Éclats de miroirs, éditeur : Edmond Chemin, août 2019.
MOURIR EN AIMANT
Mourir en aimant
C’est monter au firmament
Mais mourir avec haine
C’est se condamner à la géhenne
Ce n’est pas facile quand on est souffrant
Car ce que l’on ressent c’est du ressentiment
On le vit comme une épreuve
Qui de la cruauté de Dieu est la preuve
Ou au contraire on croit que c’est de tout la fin
On croit qu’après il n’y aura plus rien
La douleur nous enfonce dans la matière
Et nous fait oublier le Mystère
Mais il nous faut rester ouvert
À l’Infini inconcevable de l’univers
À l’inconnu de notre origine
Qui à la mort tous nous destine
Il nous faut regarder
Il nous faut écouter
Même à notre dernière heure
Être attentif à ceux qui demeurent
Penser à la beauté de leur vie
Penser la beauté de la vie
Penser à la beauté d’être
À la beauté de tous ces êtres
Proches ou lointains
Qui poursuivront leurs chemins
Malgré notre absence
Malgré notre inexistence
Ils seront heureux et malheureux
Ils mourront jeunes ou vieux
Dans ce renouvellement de la Vie intarissable
Ils seront différents ou semblables
En partant donnons-leur en cadeau notre amour
Sans rien attendre en retour
Quel que soit leur caractère
Devenons ce en quoi de nous ils diffèrent
Acceptons-les sans conditions
Car c’est en supprimant ici-bas les limitations
Que nous accédons à un au-delà sans frontières
Sans début ni fin et sans barrières
Pour élargir notre point de vue
Il nous faut accomplir notre ultime mue
Celle qui va nous unir à tout être
Bien en-deçà du paraître
Nous accédons alors à un panorama
Qui ne se contemple ni d’en-haut ni d’en-bas
C’est une perception multidimensionnelle
Une perspective universelle
Là où le récepteur horizontal
Rejoint le canal vertical
Dans l’unitaire infinitude
D’une incommensurable multitude
Le semblable et le différent deviennent équivalents
Ils constituent un seul et même élément
C’est cela l’amour c’est devenir infiniment immense
En pensant ce que notre ennemi pense
Mourir en aimant
C’est monter au firmament
Mais mourir avec haine
C’est se condamner à la géhenne
Clairs de nuit, éditeur : Edmond Chemin, avril 2023.
Au loin un dromadaire blatère.
Sur les flancs de la ville torride,
Des mendiants à demi nus se sont écharpés
Et cela m'a rappelé le goût des batailles passées,
Quand l'horizon du soir ne faisait pas encore de plis
Dans les costumes gris-clair de l'hiver larmoyant,
Que je retrouvais au-delà des mers lointaines,
Que je ne connaissais qu'à travers un fossile magique,
Celui qui m'avait été donné par je ne sais quelle princesse des temps futurs.
Et le coucher du soleil m’offrait sa palette de nappes mêlées de couleurs fondues,
Entre les oranges sanguins et les violets bleutés.
Grosse boule bien ronde qui émanait des milliards de billes de lumière microscopiques,
Empêchant ainsi le manteau de la nuit de couvrir totalement le ciel.
Toi, tu arrivais sur ton cheval blanc avec tes airs de déesse qui me laissaient pantois.
Je ne voyais pourtant que tes yeux.
Tes yeux étaient uniques
Et moi, j'étais multiple.
Le foulard qui enveloppait ta chevelure brune
Brisait la ligne droite de l’horizon dénudé par la lumière,
D’où dégringolaient d’imperceptibles myriades de poussière
Qui préfiguraient les nuées
Voguant au-dessus des plaines et des petites montagnes.
Elles traversaient silencieusement ce pays sans frontières précises.
Ainsi va le train fou de mes désirs et de mes peurs
Il embarque avec lui toutes les scories du cœur
Je ne nie pas la puissance du soleil mêlé aux nuages
C'est ainsi que je perds conscience de mon visage
Et que je me mets à écrire des phrases et des mots
Qui font de ma vie un beau mais anonyme tableau
Je ne crois pas en la résurrection de mon âme
Pourtant seul subsistera de moi ce qui résistera aux flammes
C'est à la fois le début et la fin d'un chemin
Personne ne me dira que ce n'est pas le mien
Mais il y a des voyages qui sont inclassables
Ce sont ceux qui ne sont pas identifiables
Rêves de cyclope, éditeur : Edmond Chemin, 2022.
ULTIME (extrait)
Je m’étais égaré sur mon chemin
Quand soudain j’ai retrouvé mon Un
On m’avait caché sa constante présence
Par des punitions et des récompenses
Je ne m’étais jamais senti aimé pour mon êtreté
Être aimé pour le fait si simple mais si merveilleux d’exister
La conscience de mon existence m’était interdite
Seuls comptaient mes échecs et mes réussites
Il me fallait prouver à chaque instant
Que j’étais un véritable gagnant
Ma joie était toujours conditionnelle
Et ma fortune très conjoncturelle
Et tout d’un coup il y a eu cette explosion
Il y a eu cette formidable libération
Je suis enfin sorti de cette invisible cage
Où j’étais de moi le consentant otage
La clef était un secret simple mais bien caché
Il fallait simplement trouver où regarder
Je devais plonger mon regard bien en face
Sans surtout rester en surface
Vers ce que réellement je suis
Un indélimitable maintenant et ici
Et alors j’ai acquis la connaissance
De l’Infini, de mon essence
Je contiens l’espace et le temps
Et je ne suis pas contenu dedans
Je suis dans tous les êtres
Et pas seulement dans leurs paraîtres
Homme ou femme ami ou ennemi
Pendant un instant je deviens elle ou lui
Je ne fais plus de différence
Et cela me confère une étrange puissance
(fin de l'extrait)
Clairs de nuit, éditeur : Edmond Chemin, avril 2023.
LE VOYAGE COSMIQUE DE L'AMOUR (extrait)
Tout m’est connu dans l’ici-maintenant
Toutes les prochaines naissances
Les anciennes et les futures absences
Sont toutes présentes en cet instant
Celui que je suis ne peut être identifié
Car on ne peut jamais être le même
Quand tout le monde on aime
À rien ni personne on ne se sent attaché
Ce JE est un éternel et immobile Vivant
Fait d’une multitude infinie de vies instables
S’agitant sans cesse de manière incontrôlable
Se déplaçant sans cesse dans l’espace et dans le temps
Ce JE contient immobilement l’espace et le temps
Il n’a ni corps ni voix ni goût ni âge
Il n’est qu’un immense et inaltérable passage
Sans cesse creusé par des passants toujours différents
Qui ne reviennent jamais sur leurs pas
Et pourtant ce sont toujours les mêmes silhouettes
Qui s’approchent puis s’éloignent de mon immense fenêtre
Et dans mon oreille de silence ce sont les mêmes voix
Clairs de nuit, éditeur : Edmond Chemin, avril 2023.
MARIA AVAIT DEUX ENFANTS
Maria avait deux garçons,
C'étaient deux hommes courageux et bons.
Ils sont tous deux morts à la guerre,
Ils n'ont pas pensé à leur mère.
Ils étaient devenus des ennemis,
Ils se sont battus, ils se sont haïs.
Elle les a réunis dans la même tombe,
Loin des canons et des bombes.
Ils reposent aujourd'hui en paix
Et elle continue à les aimer.
Elle n'a pas de préférence,
Car elle les aime en silence.
Elle les porte tous deux dans son coeur.
Elle prie chaque jour pour leur bonheur,
Pour leurs nouvelles vacances,
Comme au temps de leur enfance.
Des deux côtés ce sera bientôt Noël
Et Maria lève les yeux vers le Ciel.
Elle prie pour que d'amour il rayonne,
Pour que, le jour venu, à tous il sourit et pardonne.
Maria avait deux garçons,
C'étaient deux hommes courageux et bons.
Ils sont tous deux morts à la guerre.
Ils sont à présent unis dans la même Terre.
Jean-Paul Inisan, inédit, novembre 2023.
LE VERRE ET LE MIROIR
À travers ce petit fragment de verre si transparent
J’aperçois le monde immense qui est présent
Il va et vient heureux comme une abeille
Qui dans mon jardin secret de tout s’émerveille
Les oiseaux sont heureux ils chantent haut
C’est comme un vivant tableau
Frelons et faucons y ont leur place
Car il n’y a pas de barrières dans cet intime espace
Et tous les gens que j’aime je les vois ici
Ils me paraissent pleins d’amour et de vie
Leurs présences sont comme des caresses
Qui me dispensent une douce ivresse
Et même ceux que je n’aime pas
Vraiment ils ne me dérangent pas
Quand je les vois ainsi dans cette immense sphère
Où tout le monde se baigne dans la même lumière
Mais bon dieu qui soudain vois-je dans un miroir
Qui donc a remplacé mon verre par ce brouillard bavard
À qui appartient ce minuscule visage
Qui me masque la grandeur du paysage
Ce reflet se croit vraiment important
Il croit me séduire en me souriant
Il me prend pour un imbécile
Quand il me dit qu’il est fragile
Qu’il a besoin d’être par moi protégé
Que je dois à tout prix l’aider
L’aider à résoudre ses problèmes
L’aider même à faire ce poème
Comment un objet aussi rétréci
Peut-il me cacher l’immensité de mon génie
Celui qui n’appartient à personne
Sauf à celui qui a renoncé à son trône
Celui qui n’a jamais eu de nom
Celui qui n’a aucune possession
Celui qui ne cherche pas la gloire
Celui qui de ses succès perd aussitôt la mémoire
Vite je range cette face sans pile au fond d’un tiroir
Vite j’oublie son souvenir et ses faux espoirs
Et ouf je retrouve alors l’endroit immense où j’habite
C’est un lieu de joie et d’amour sans limites
Je suis à nouveau comme un prisme qui diffuse mille couleurs
Des plus ordinaires aux plus exotiques des fleurs
Je vois de tous mes proches les merveilleux visages
Vous donnez de la profondeur à mon paysage
Parce que vous n’êtes pas tous beaux et gentils
Parce que vous n’êtes pas tous mes amis
C’est de la nuit et du jour l’éternelle danse
Les étoiles et les abîmes obscurs ensemble dansent
Ici, à zéro millimètre et à zéro seconde de moi,
Je n’ai vraiment qu’un seul possible choix
C’est de disparaître en tant que personne
C’est de devenir un roi sans couronne
Le plus puissant des souverains
Celui qui ne possède rien
Qui à tous fait toujours confiance
Car il voit au-delà des apparences
Je sait que parce qu’il est invisible et muet
Il ne peut jamais être identifié
Mais grâce à ses racines profondes
C’est dans son cœur qu’il accueille le monde
Clairs de nuit, éditeur : Edmond Chemin, avril 2023.
SUZANNA DE MA RUE
Qu'es-tu devenue ô toi Suzanna
Toi qui faisais la manche devant le Columbia
Sans jamais mendier mais avec une vraie noblesse
Qui se mêlait étrangement à une humble gentillesse
Dans ton regard il y avait tant d'amour et de douceur
Que je te prenais presque pour ma grande sœur
Tu me faisais d'intimes confidences
Et j'étais touchée de ta confiance
Tu me révélais quelques-uns de tes secrets
Sans jamais totalement dévoiler
Le plus profond de ton âme
C'était entre nous c'était entre femmes
Toi qui vivais de rien dans la rue
Tu étais pourtant bien vêtue
Avec le même imper noir toujours impeccable
Tu étais d’une élégance véritable
Tes longs cheveux grisonnants chaque matin recoiffés
Soigneusement ramassés sous un fichu foncé
Et dans tes grands yeux sombres cette fiévreuse attente
Qui te donnait parfois un air de suppliante
Tu me racontas un peu ton passé
Celui d'une étrangère sans-papiers
Qui très tôt s'était trouvée dans la solitude
Mais avait refusé toute sollicitude
Tu me parlas de cet enfant qui aurait pu t'héberger
Mais qui lui aussi par la vie avait été blessé
Et il avait franchi le grand passage
Pour toi cela avait été un terrible naufrage
Au début tu nous proposais des petits journaux
Et on te donnait quelques euros
Beaucoup d’entre nous te faisaient la bise
Car ce n'était pas un échange de marchandises
C'était un simple remerciement
Pour ton regard toujours bienveillant
Pour faire partie de notre quotidien paysage
Comme une familière et rassurante image
Même ceux qui ne te voyaient pas
Tu ne leur en voulais pas
Mais tu étais d'une grande franchise
Aux plus forts tu ne t'étais jamais soumise
Chaque fois que je te quittais
Tu me souhaitais surtout une bonne santé
Et moi je pensais à toi à ta misère à ton âge
Je craignais que tu en meures ou qu’on te mette en cage
Aujourd'hui j''ai déménagé et tout ça est déjà loin
Mais je me demande souvent quel a été ton chemin
Es-tu toujours comme un oiseau sur la même branche
Ne la quittant que les jours fériés et le dimanche
J'ai parfois peur qu'on t'ait délogée ou même expulsée
Ou que tu sois morte de ne pas pouvoir te soigner
Je m'en veux alors de ne pas t'avoir donné plus de tendresse
De ne pas avoir mieux écouté ta secrète détresse
Qu'es-tu devenue ô toi Suzanna
Toi qui faisais la manche devant le Columbia
Sans jamais mendier mais avec une vraie noblesse
Qui se mêlait étrangement à une humble gentillesse
Traces de vies, éditeur : Edmond Chemin, août 2023
UN GEORGE À L'ÉCOLE
Pourquoi ont-ils ri quand il a levé la main
Est-ce parce qu'il ne voulait pas être l'un des sept nains
Ou est-ce parce qu'il n'était pas mon meilleur élève
Ou bien parce qu'il avait de grosses lèvres
Est-ce parce qu'il était si souriant
Que de tous les autres il paraissait si différent
Est-ce parce qu'il est venu au tableau si vite
Qu'on aurait presque dit une course-poursuite
Est-ce parce que d'habitude il n'osait pas
Et qu'en arrivant il a fait un faux-pas
Il ne paraissait pourtant pas fragile
Mais sa respiration était difficile
Est-ce à cause de la légère crépure de ses cheveux
Ou de la grande clarté de ses yeux
Qui me disait l'immense confiance
Qu'il plaçait dans ma bienveillance
Est-ce à cause de son nez
Qui était un peu écrasé
Ou parce qu'ils ont trouvé très drôle
Qu'un garçon veuille jouer d'une jeune fille le rôle
En tout cas aucun des enfants n'a eu l'air étonné
Personne dans la classe ne s'est moqué
Dans la beauté de leur innocence
Ils n' y ont vu que de l'excellence
J'étais jeune et c'est seulement dans la soirée
Que j'ai compris et que j'ai pleuré
De mes deux superviseurs et de moi j'ai eu honte
D'avoir choisi Blanche-Neige plutôt qu'un autre conte
Aujourd'hui cet autre frère noir monté là-haut
Me fait sentir à nouveau le cœur gros
Quand donc les grands vont-ils enfin comprendre
Que des petits ils ont tout à apprendre
Pourquoi ont-ils ri quand il a levé la main
Est-ce parce qu'il ne voulait pas être l'un des sept nains
Ou est-ce parce qu'il n'était pas mon meilleur élève
Ou bien parce qu'il avait de grosses lèvres
Traces de vies, éditeur : Edmond Chemin, août 2023
BEAUTÉ ÉTERNELLE
C'était un soir de séminaire
Nous nous étions invités au restaurant
Dans nos yeux il y avait de la lumière
Et nos corps étaient de désir brûlants
Elle m'offrait la profondeur de son être
Mon regard se noyait dans ses yeux
Un grand amour était en train de naître
Et pourtant c'était déjà un adieu
Car ce moment de grâce
Totalement spontané et inattendu
Pour que dans nos cœurs jamais il ne s’efface
Nous ne devions pas en faire un début
C'était un cadeau de l'Existence
Nous devions préserver sa splendeur
Car c'était une indépassable expérience
Comme une unique délicate fleur
Qui ne pourrait jamais éclore
Hors de son éphémère jardin
Celui qui ne connaît pas le mot encore
Celui qui est à lui-même sa propre fin
Yeux dans les yeux dans une fusion sereine
Nous sommes restés ainsi longtemps
Et pourtant nous nous quittâmes sans peine
Car ce soir-là nous avions vécu ensemble mille ans
Mille ans de vie heureuse
Comme un accord parfait
Une joie si intense et si silencieuse
Qu'on savait que l'on ne pourrait jamais la retrouver
Mais ce souvenir serait comme un trésor intarissable
Dans lequel nous pourrions toujours puiser
Quels que seraient ensuite de nos vies les impondérables
Nous croirions toujours en notre éternelle beauté
Traces de vies, éditeur : Edmond Chemin, août 2023
ORGASME
J'ai goûté à ta peau à ta bouche
J'ai plongé au plus profond de ta chair
Et tu gémissais comme gémit sur la mer
La mouette que la pluie prochaine effarouche
Mais mon désir est toujours aussi fort
Il veut la violence et la tendresse
Il veut de ta sveltesse en extraire toute l'ivresse
Mourir encore dans la vague profonde de ton corps
La douceur tiède de ton élan
Brise le mur sourd de mon angoisse
Comme un inattendu ressac fracasse
Le château massif d'un vieil enfant
Le soleil avait incendié mes rêves
Ils étaient devenus noirs comme charbon
Dépouillés de toute leur passion
Et tu étais là toi nue sur la grève
L'Oiseau Blanc, éditions La Nouvelle Proue 1989, réédition Edmond Chemin 2016
JOIE
Un orage a grondé
Et mon coeur a tremblé
Passent les nuages
Entre de célestes rivages
Dans la ruelle
Un enfant est passé
Il chantait
Et je l’entendais
La vie était belle
Quand l’orgueil fait naufrage
Il prend l’autre pour otage
En lui donnant l’amour pour rançon
Il le guérit sans raison
Poèmes de mon nouvel âge, 1998, 2014, nouvelle édition décembre 2016
ULTIME DÉCONFINEMENT
Tu es parti au cours d'un confinement
Un peu avant l'année nouvelle
Tu nous avais souvent dit pourtant
Qu' elle serait merveilleusement belle
Un matin on a appris que tu étais à l'hôpital
Et comme tu n'avais pas droit aux visites
Non seulement tu te sentais mal
Mais les douceurs de ce monde t’étaient interdites
Toi qui aimais tant être entouré des tiens
Tu as fini ta vie dans la solitude
Les soignants n'étaient jamais très loin
Mais eux aussi étaient dans une extrême lassitude
Ils ne pouvaient être toujours pour tous présents
Et quand nous avons entendu ton dernier message
Avant qu'on t'ensommeille définitivement
Nous avons été bouleversés par ton courage
Tu as même plaisanté sur ton prochain départ
Tu disais que c'était une formidable chance
De pouvoir enfin toi qui n'aimais pas les bavards
Entrer bientôt dans le plus profond des silences
Nous n'apprécions pas toujours ton sens de l'humour
Tu nous blessais parfois par maladresse
Et alors nous t'en voulions d'avoir été si lourd
Mais tu pouvais être aussi d'une exquise délicatesse
Quand tu ne pestais pas au sujet de l'Institution
La corruption la mauvaise foi l'imposture
Selon toi une menace de massive destruction
La conséquence d'une très libérale dictature
Aujourd'hui tu dirais sans doute que tu en es mort
Je ne sais pas si c'est la vérité ou une simple croyance
Mais ce que je crois c'est que tu ne méritais pas ce sort
Tu méritais une plus belle fin d'existence
Traces de vies, éditeur : Edmond Chemin, août 2023
MAISON
Ce cri dans la nuit
M'a surpris
A présent je veille
En tendant l'oreille
Mais rien ne survient
Sauf au loin
Le bruit vague du sillage
Que font dans le ciel les nuages
C'est un bruit si régulier
Que je m'y suis habitué
Cela m'inspire confiance
Et je me rendors sans que j'y pense
Mais il y a à nouveau un cri
Je saute de mon lit
Je regarde par ma fenêtre
Pour chercher qui ce son peut bien émettre
Ça ressemblait à un gémissement
Peut-être celui d'un enfant
Mais aussi il y avait dans cette voix quelque chose
Qui étrangement à moi me cause
À ma fenêtre je ne vois pas très bien
Je me dis que je pourrais attendre demain
Cependant mon regard s'accroche
À une maison toute proche
C'est curieux je ne la reconnais pas
J'ai impression que hier elle n'était pas là
Comme si elle venait d'être construite
Alors ce serait vraiment très très vite
Je passe à cet endroit tous les jours
C'est juste devant ma cour
Soudain la lune apparaît et le paysage s'éclaire
Mais je ne retrouve pas mes repères
C'est vrai il me semble connaître cette maison
Mais pas dans cette position
C'est sûr je l'ai vue sous une autre perspective
Elle était beaucoup moins figurative
Je me souviens je devais être dedans
J'y suis entré je ne sais pas comment
Je ne me souviens pas de l'avoir vue de face
Je crois qu'elle avait une très grande surface
Comme un grand hôtel ou un vieux château
Mais sans murailles et sans barreaux
Au contraire il y avait partout des ouvertures
Cela grouillait de monde et d'aventures
Mais la lune s'est cachée
Et à nouveau on a crié
Cette voix m'est trop familière
Je me réveille en pleine lumière
L'Autre Ici, éditions Edmond Chemin 2015
L’APPEL DU JOUR (HASARD)
Je l'ai rencontré sur ma route.
C'était un jour de nuit,
C’était un soir de doute,
Je ne savais où allait ma vie.
J’entendais toujours l'écho des anciens orages
Et dehors peut-être qu’il pleuvait
Ou c'étaient les larmes sur mon visage.
Il m’a regardée et il s'est arrêté.
Il fuyait comme un imminent naufrage
Il s'est arrêté sur mon chemin.
Le ciel se débarrassait de ses nuages,
Mais je ne le voyais pas encore très bien.
Il se défaisait trop vite de son armure,
Mais la lumière dans ses yeux
Était la plus belle des parures :
Elle me disait que nous pouvions être heureux.
Il me disait les paroles les plus folles,
Il savait aussi m'écouter,
C'était à nous deux notre nouvelle école
Et nous étions des élèves très appliqués.
Et puis est venu le moment de se taire.
C’était la fin de la nuit,
L’aube qui s’annonçait claire
Nous a tous les deux surpris.
Vint alors le temps des silences,
Quand l'amour et la pudeur
Sont comme en concurrence :
Corps-à-corps contre cœur-à-cœur.
Mais l'ardeur des caresses
Ne doit pas faire oublier la fragilité des mains
Quand elles ont été longtemps sevrées de tendresse,
Quand l'amour est toujours pour demain.
Ce fut un si mutuel sauvetage
Qu’aucun de nous deux n’eut peur :
Chacun montra tout de suite son vrai visage.
De notre rencontre nous ne fûmes ni acteurs ni spectateurs.
(Poèmes de mon nouvel âge, 1998, nouvelle édition décembre 2016)
NOËL
(extrait de "Que suis-je ?)
Certains disent qu’en moi il faut avoir la foi
Pour obtenir de moi des grâces
Ils me vénèrent comme le roi des rois
Ils pensent que c’est une attitude efficace
Mais moi je ne suis qu’un pauvre hère
Et je ne comprends pas leur croyance
Moi-même je suis dans la misère
Ma seule richesse est mon existence
Oui je sais que je donne parfois
Mais je ne suis pas comptable
Je ne donne qu’à ceux qui ne calculent pas
Et qui à moi peuvent être semblables
À ceux qui comprennent vraiment qui je suis
Un petit enfant un grand pécheur un être vulnérable
Qui a besoin qu’on prenne soin de lui
Mais sans rien espérer de lui qui leur soit profitable
Si vous n’espérez rien en retour
Si vous reconnaissez et aimez mon impuissance
Alors vous saurez vraiment ce qu’est l’amour
Et vous sentirez en vous ma Présence
Jean-Paul Inisan, Poèmes de mon nouvel âge, 1998, 2016.
LE VOYAGE COSMIQUE DE L’AMOUR (extrait)
Vénérer des idéaux de perfection
C’est ce qui entretient toutes les violences
C’est ce qui justifie toutes les intolérances
La source glaciale de toutes les destructions
Il est vrai que je suis monté très haut
Mais cette infinie largesse
N’exclut pas de troubles bassesses
Je replonge encore souvent dans mon égo
Je deviens alors à nouveau lourd
Je reviens à mon obscure cachette
Mais quand j’oublie ainsi la légèreté de l’être
C’est pour pouvoir rester conscient de mon Amour
Je ne puis être un être divin
Que si j’accepte ma nature humaine
Toujours capable d’envie et de haine
C’est cela mon chemin
Clairs de nuit, éditeur : Edmond Chemin, avril 2023.
TESTAMENT
Dans cette vie mes moments les plus heureux
Auront été ces instants fugaces mais lumineux
Où je pouvais aimer secrètement en silence
Sans attendre la moindre reconnaissance
Je m'oubliais alors et je ne voyais qu'elle ou lui
Homme femme ami ou ennemi
C'était comme une ardente et invisible flamme
Qui me faisait croire un instant que j'avais une âme
Aujourd'hui arrivé presque au bout de mon chemin
Je cultive ces souvenirs dans un étrange jardin
J'espère qu'encore ils fleurissent
Pour que le jour venu sur ma tombe ils s'épanouissent
Éclats de miroirs, éditeur : Edmond Chemin, août 2019.
LA DAME DE LA RUE EST PARTIE
Nous avons tous deux été surpris
Quand la Dame d'en face est partie.
Elle est partie comme une étoile
Qui le matin devient pâle.
Et puis soudain on ne la voit plus,
De la rue elle a définitivement disparu,
Mais dans ce petit et solidaire espace,
Son souvenir restera longtemps vivace.
Son sourire et ses yeux pétillants
Dans nos cœurs resteront longtemps présents.
Sa beauté, son élégance, sa naturelle noblesse
S'alliaient gracieusement à une vraie gentillesse.
J'entends encore le son délicat de sa voix,
Je revois son regard doux comme de la soie.
Certes, elle savait maintenir ses distances,
Mais elle rayonnait aussi de bienveillance.
Devant son balcon les passants s'arrêtaient,
Car ils se sentaient toujours écoutés.
Sa hauteur était celle d'une belle âme
Et sa grandeur celle d'une belle Dame.
Les gens qui lui racontaient leur vie
La voyaient comme une véritable amie,
Ils lui faisaient même des confidences,
Car ils avaient en elle une totale confiance.
Aux nouveaux arrivés dans la rue
Elle souhaitait toujours la bienvenue.
Elle organisait et animait des rituelles fêtes
Avec la musique, la danse, les cris des mouettes...
Et quand il pleuvait c'était sous son toit
Qu'éclataient les chants de joie.
Sa nature à la fois passionnelle et maternelle
Nous délivrait de toute fausse tutelle.
Je me souviens de ces matins frisquets
Quand elle ouvrait prudemment ses volets,
Revêtue de sa robe de chambre rose
Comme une fragile fleur pas encore éclose.
C'était comme l'épiphanie d'un nouveau jour
De la Vie une déclaration d'amour.
Allégresse, enthousiasme ou bien tristesse,
Peu importe, c'était du Vivant la rassurante promesse !
Aujourd'hui nous sommes comme des orphelins
Qui ont perdu une trace vive de leur chemin,
Car elle faisait partie de notre familier paysage,
On n'imaginait pas qu'elle puisse un jour tourner la page.
Mais elle nous a tous surpris
En quittant cette vie sans préavis.
Au plus profond de notre mémoire,
Elle restera comme une inoubliable histoire.
Traces de vies, éditeur : Edmond Chemin, août 2023
LE SOLEIL SE LÈVE
Vous verrez un jour nous sortirons de la nuit
Pour retrouver le meilleur de la vie
Nous ne vivrons plus dans des mondes parallèles
Demain sera le jour de l'Hirondelle
Celle qui annonce un nouveau printemps
Celle qui fidèle chez nous revient tous les ans
Qui n'est pourtant jamais tout à fait la même
Mais au moins on est sûr qu'à jamais elle nous aime
Car elle suit depuis toujours la même voie
C'est celle qui la ramène inlassablement chez soi
Elle sait où se cache notre vraie demeure
C'est un lieu où l'on ne compte ni les jours ni les heures
C'est un lieu de paix de vérité et d’amour
C'est là où nous nous trouvons depuis toujours
C’est un immense et vivant espace
Où tout le monde librement se déplace
Des nuages passent sur le ciel bleu
Et celui-ci jamais ne s’émeut
La pluie ne cesse de tomber puis soudain elle s’arrête
Et nous nous empressons de rouvrir nos fenêtres
Pour nous créer un nouveau destin
C’est aujourd’hui que nous regardons vers demain
Déjà nous oublions du temps la courte rupture
Nous rêvons à nouveau d’aventures
Nous voyons au-delà de l’horizon
Car nous savons où nous nous trouvons
Nous n’attendons pas qu’on nous ouvre la cage
Pour nous préparer au plus fabuleux des voyages
Clairs de nuit, éditeur : Edmond Chemin, avril 2023.
L'ÉTOILE DU JOUR (extrait 1)
Il me faut perdre la face
Pour retrouver à nouveau la grâce
La grâce de retrouver ce que Je suis
Ce qu’essentiellement Je suis
Ce que je suis c’est le multiple et l’Infini
Qui est la source constante de la Vie
C’est le même « Je » qui est en chacun de nous
C’est l’Infini qui se cache au fond de chacun d’entre nous
Et que nous redécouvrons par la reconnaissance
En faisant de la vérité de l’autre l’expérience
Il en est ainsi de toute incarnation
Elle commence toujours par une séparation
On se sépare de la protection de sa mère
C’est ainsi qu’on commence tous sa vie sur terre
Et l’on oublie totalement d’où l’on vient
Là où il n’y a ni début ni fin
Là où l’absence de face
Nous fait contenir l’espace
Là où il n’y a plus de temps
Où tout est ici et maintenant
Ce n’est même pas romantique
C’est presque une loi de la physique
En vérité, l’amour n’est pas un comportement
Le véritable amour n’est pas un sentiment
C’est simplement une intérieure expérience
Qui se fait dans le plus total silence
Quand c’est moi qui par amour donne
Ce que je donne ne vient de personne
Mais cet autre qui me fait la grâce d’un don
Je reconnais tout de suite son visage et son nom
Je ne peux exister sans lui
Je ne peux aimer sans lui
C’est même grâce à nos divergences
Que je peux redevenir immense
L’étoile qui dans le ciel resplendit
M’ouvre la porte de l’Infini ici
C’est quand je suis de moi à zéro millimètre
Que je retrouve le meilleur de mon être
Clairs de nuit, éditeur : Edmond Chemin, avril 2023.
JOUIR ET AIMER (extraits)
(extrait 1)
C’est la loi d’une préventive terreur
Qui garantirait à tous le bonheur
On nous pousse aujourd’hui à nous battre
Voire même des armements à devenir un idolâtre
On aiderait ainsi en plus ceux qui en ont besoin
Ceux qui ne connaissent pas un autre chemin
Que celui des réactions de défense guerrières
Dont l’issue ultime sera la disparition de la Terre
Celui qui veut être le plus juste en étant le plus fort
Condamne inéluctablement le monde à la mort
Tout ça avec un merveilleux langage scientifique
Qui ne peut aboutir qu’à un avenir cataclysmique
(extrait 2)
Ainsi le monde s’est-il condamné à l’explosion
Qui n’est que la forme ultime de la division
Mais enfin pour atteindre les étoiles
Il nous suffira de dissiper les voiles
Et nous en trouverons le secret chemin
Celui qui de vaisseau hypersonique n’a pas besoin
Pour accéder à de nouveaux mondes
Où la Vie sera à nouveau féconde
Tout sera à nouveau clair
Rien dans l’Univers ne se perd
Tout se renouvelle tout se déplace
Dans cet infini temps-espace
Clairs de nuit, éditeur : Edmond Chemin, avril 2023.
DEUX POUR UN (extrait 1)
Heureusement nous, nous survivrons
Nous survivrons à toutes les destructions
Car seule la matière est destructible
Nous ici nous sommes indivisibles
Nous retrouverons nos originelles maisons
Elles se trouvent dans les plus hauts horizons
Nous traverserons les univers et les mondes
En une fraction de millimètre en une fraction de seconde
Car nous étant installés dans le Un
Il nous sera impossible de prendre un autre chemin
Ce sera celui de nos amies les étoiles
Pas seulement celles qui tous les soirs à nos yeux se dévoilent
Mais aussi toutes celles qui sont dans l’espace infini
Ce qui ne pourra jamais être totalement compris
Car l’Infini est dans le temps interminable
Et étant sans limites il est dans l’espace indéfinissable
C’est pourquoi morts et vivants sont toujours réunis
Car dans l’Univers cosmique rien n’est jamais fini
La mort n’est qu’un voyage éclair dans l’espace
Qui nous fait simplement changer de place
C’est un jeu que nous jouons depuis la nuit des temps
Mon ami et moi en sommes devenus conscients
Il suffisait de renoncer à la vie immortelle
Il suffisait de renoncer à la vie individuelle
Il suffisait de renoncer à toute séparation
Il suffisait de renoncer à toute domination
Il suffisait d’accepter de devenir invisible
Il suffisait d’accepter de devenir inaudible
Mais je sais que cela fait horreur
À ceux qui veulent être aux autres supérieurs
À ceux qui font des apparences
La seule possible existence
Personne ne veut renoncer à soi ou aux siens
Et certains s’accrochent désespérément à leurs biens
À leurs corps à leurs souvenirs ils s’accrochent
Et ils voudraient bien retrouver leurs proches
Mais ici nous ne faisons pas de discrimination
Avec tout le monde nous sommes en union
Ici il n’y a jamais de durable ou grave crise
C’est l’inépuisable diversité qui remplace la surprise
(fin de l'extrait)
Clairs de nuit, éditeur : Edmond Chemin, avril 2023.
ENTRE ICI
C’est seulement en n’étant rien
Que tu peux découvrir ce chemin
Tu dois renoncer à toute couronne
Et accepter de n’être personne
Tu ne peux trouver ce sentier secret
Qu’en acceptant ton immobilité
Il te faut d’abord être racine
Pour retrouver ton origine
Ce n’est pas de la remémoration
Ce n’est pas de l’imagination
Pour entrer ici tu dois être amnésique
Et jamais hyperbolique
Ne présenter aucun titre de supériorité
Ne revendiquer aucune égalité
N’accomplir aucune œuvre pieuse
Ne chercher aucune issue miraculeuse
Ici on ne peut rien légitimer
Car ce serait comme tout figer
Il n’y aurait plus de porte
C’est la Vie qui serait déjà morte
Ici il n’y a ni début ni fin
Ni soir ni matin
C’est le plus court des voyages
Celui où tu perds ton visage
Mais ceux que tu vois
Font tous partie de toi
Aucun vraiment ne te fascine
Et c’est ton regard qui les illumine
Ils ne te regardent pas
Tu ne t’y reflètes pas
Ce ne sont pas des choses
Mais comme des massifs de roses
Qui bordent ce chemin
Qui n’est fait que de liens
Dont tu dois prendre conscience
Pour voir en toi sa constante présence
Clairs de nuit, éditeur : Edmond Chemin, avril 2023.
FENÊTRE SUR JARDIN (1 extrait)
Je voudrais me noyer dans la matière
Comme une graine qu'on oublie
Pendant tout un hiver
Et puis soudain voilà qu'elle sort du néant
Et personne n'y comprend rien
D'où elle sort celle-là
D'elle il n'y avait aucune trace
Et tout d'un coup voilà qu'elle prend toute la place
Elle avait si complètement disparu
Qu'on avait oublié son existence
Et soudain elle sort d'un souterrain
Comme d'un tunnel obscur en plein milieu de la lumière
Bonjour
Vous allez bien
Moi aussi
Je reviens de loin
(Poèmes de mon nouvel âge, 1998, 2014, nouvelle édition décembre 2016)
AU REVOIR
Elle est partie comme elle est venue
Nous n'avions rien prévu
Ce fut un cadeau de l'existence
Pour une douce et éphémère présence
Nous lui avions donné tout notre amour
Hier aujourd'hui pour toujours
Nous savions que sa vie était fragile
Mais nous étions tranquilles
Nous lui donnerions de nous le meilleur
Ce qui vient directement du cœur
Et jusqu'à sa plus lointaine vieillesse
Elle pourrait compter sur notre tendresse
Elle le savait car c'est dans nos bras
Qu'elle a choisi une autre voie
Pour rester à jamais de nous proche
Pour être bien plus qu'une belle ébauche
Malgré la perte les larmes le chagrin
Elle nous a ouvert un nouveau chemin
C'est celui qui nous rassure
C'est celui de notre famille future
Elle nous rendra notre adoration
En assurant à jamais notre protection
Et nous n'effacerons jamais la trace
De celle qui fut pour nous une véritable grâce
Elle est partie comme elle est venue
Nous n'avions rien prévu
Ce fut un cadeau de l'existence
Pour une douce et éphémère présence
Traces de vies, éditeur : Edmond Chemin, août 2023
PRIVILÈGE
Le privilège de la vieillesse
Ce n'est pas la sagesse
Mais c'est la liberté d'aimer
Sans jamais s'attacher
C'est accepter l'impermanence
Être dans une discrète bienveillance
Voir et entendre avec amour
Sans rien attendre en retour
Le privilège du grand âge
Ce n'est pas de se préoccuper de son image
C'est celui de la joie
D'apprécier chaque geste chaque pas
Celui de ne pas réagir en urgence
Mais en une paisible jouissance
Prendre le temps de lentement déguster
Chaque instant de beauté
C'est ne pas jouer à l'ancêtre
Ne pas se soucier du paraître
Faire toujours le choix de ce qui est éternel
Sans pour autant espérer aller au ciel
Quand le corps devient fragile
L'âme devient tranquille
Plus on s'approche de la fin
Plus on aime et moins l'on craint
Traces de vies, éditeur : Edmond Chemin, août 2023
EFFLORESCENCE
Il avait depuis longtemps disparu
Mais il revient avec son beau sourire
Son regard ingénu
Ses yeux clairs où votre étoile se mire
Il arrive très tôt le matin
À la lueur de l’aurore
Avec ses doigts de satin
Il réveille votre corps
C'est sa manière de vous dire bonjour
Cette douce lumière
Qui frémissante d’amour
Traverse la matière
Vous transmet sa chaleur
Vous sort de votre profondeur obscure
Vous atteint en plein cœur
En vous habillant de sa plus brillante parure
Elle vous prend dans ses immenses bras
Et vous comme en une rituelle transe
Danse d'amour de vie et de joie
Vous devenez pure efflorescence
Étranger est l'Éternel, éditions Edmond Chemin, 2015, réédition poche 2016
L'INSTANT DE L'AMOUR
J'ai ouvert mon cœur
Et je n'ai plus eu peur
Mes pieds s'enfonçaient jusqu'au centre de la terre
Et mes yeux étaient remplis de lumière
Je voulais te voir
Te faire sortir du noir
Toi que j'imaginais à la fois si maternelle
Et si délicatement sensuelle
Je ne te voulais pas
Enfin pas que pour moi
Mais je voulais à nouveau ressentir
Éprouver intensément le plaisir
Le plaisir de t'aimer tellement fort
Bien au-delà de ton visage et de ton corps
Je voulais te déshabiller de ton apparence
Effleurer délicatement des yeux ton innocence
Te reprendre lentement len-te-ment dans mes bras
Et sentir ton cœur qui bat
Te regarder au plus profond de ta lumière
Sans jamais déflorer ton mystère
Baiser fébrile tes yeux et tes mains
Trouver de ton cœur le chemin
Effleurer à peine de ma bouche tes lèvres
Sans en aspirer la sève
Sans jamais en demander plus
Sans jamais espérer un surplus
Mais follement mêler soudain nos existences
Sans espérer ou craindre des conséquences
Juste pour un petit instant
Décider de ne pas être amants
Mais ouvrir doucement la fenêtre
Du plus secret de notre être
L'amour est alors comme une fleur
Que l'on ne connaît que par son odeur
Un étrange interminable orgasme
Tout le contraire d'un spasme
Éclats de miroirs, éditeur : Edmond Chemin, août 2019.
SECRETS DU TEMPS (extraits...)
...Le printemps marin est lourd des odeurs fortes de la mer
Celle qui a été labourée jusqu’au sang
Par les milliers de vaisseaux qui l’ont traversée
Il a laissé sa trace dans le cœur même des rochers
Et sous les amas des clairières du temps
Où des corsaires venaient parfois jeter l’ancre
Car c’étaient aussi des criques clandestines
Où des abeilles humaines butinaient des trésors
Ceux qui échouent toujours sur les immenses plages du temps
Entends-tu, créole, entends-tu parfois, toi l’indigène,
Toi le vrai habitant de ces terres authentiques,
Entends-tu la crécelle indécise des voiles mondaines
Qui dégringolent sur les pentes vertigineuses
Exposées à un soleil ardent
Qui les chauffe jusqu’aux dents ?
Vois tu la flamme dansante dans les yeux des enfants
Qui font une ronde autour des restes d’humanité
Que l’on trouve parfois dans les champs urbains
Des champs d’honneur qui étalent leurs sillons sanglants
Et la foule qui se prosterne pour adorer les héros
Qui se sont sacrifiés pour des jours meilleurs
Mais cela n’empêchera pas les ports de continuer à naviguer
Sur les vastes océans d'antan et de s’arrimer
À de vieux bateaux surannés
Qui les recevront comme des princes de la mer déchus
Déchus mais tout de même respectés reconnus
Pour les itinéraires gravés sur leurs fronts d’aventurier
[.../...] La nuit tombée des armées stellaires s’affrontent
Dans une débauche de lumière
Où tout le monde ne voit que du feu
Personne ne voit que des conflits lointains se cachent
Sous cette harmonie apparemment immobile
Pétrifiée autrefois par la distance
Et aujourd’hui par le temps
Personne ne voit que la route des cieux
Est une roue édentée pareille à une vieille sorcière
Qui est aussi une fée qui nous fait les yeux doux
C’est un fond d’amour et de souffrance
Qui se dévoile quand on veut bien lever les yeux
Les lever bien plus haut que l’horizon bleu
Qui ne cesse de voyager à travers les intervalles
Des rythmes universaux qui sont comme des partitions
Lisibles seulement par quelques initiés
Et encore juste pendant quelques instants
RÊVES DE CYCLOPE, Edmond Chemin, juin 2022.
ÉTOILONS
Nous sommes tous des étoilons
Et nous ferons tous un jour le grand bond,
Celui qui nous ramènera à la Lumière
Qui est notre origine première.
Ce sera à l'Éternel le retour,
Le retour à notre vrai premier amour.
Nous sommes tous nés des étoiles
Et c'est en nous élevant tout droit à la verticale
Que nous retrouverons notre vraie maison,
Celle que dans la nuit nous apercevons,
Mais dont nous n'avons pas conscience
Qu'elle est notre véritable substance,
Sauf parfois quand nous prenons le temps
D'être au Mystère totalement présent.
Et alors, perdant de notre image la trace,
Nous agrandissons à l'Infini notre espace.
Traces de vies, éditeur : Edmond Chemin, août 2023
AMI DE JADIS
Ô ami de jadis
J'ignore ton nom d'artiste
Tu me jouas si bien la comédie
Que je la préférai à la vie
Sur les places des villes il y a parfois ta musique
Et l’Éternel me dit que tu es triste
L’Éternel écoute ma prière
Je ne suis pas fait que de bois
Mais aussi d'un métal qui ne rouille pas
Mon âme est acérée
Par l'usure des vieux baisers
(Poèmes de mon nouvel âge, 1998, 2014, nouvelle édition décembre 2016)
UN OISEAU À MA FENÊTRE
Un oiseau à ma fenêtre s'est posé
Et il s'est mis à chanter.
Ce n'était pas un oiseau des îles,
C'était un tout petit oiseau gris de la ville.
Il était ici dans son élément,
Heureux et si vivant !
II s'envola vivement avec grâce
Et je me sentis soudain bien à ma place.
Il y eut alors, tout proche, comme un bruit de moteur.
C'étaient les battements de mon cœur !
II ne se nourrissait pas d'essence
Mais d'écoute et de silence.
(Éclats de miroirs, éditeur : Edmond Chemin, août 2019.)
DÉCONFINEMENT
Aujourd’hui était un jour de renaissance
Même s’ils se tenaient à bonne distance
Sur la grande plage de Saint-Malo
Les promeneurs étaient tous beaux
Le temps était doux la mer calme et basse
Et le sable fin m’offrait son immense espace
Après avoir été aussi longtemps confiné
Je savourais comme jamais ma liberté
Après avoir vécu comme en marge
Je m’enivrais de l’air pur du large
C’était comme une révolution
Après des siècles d’oppression
Je pouvais enfin respirer sans contrainte
Et voguer sans limites restreintes
Affronter au loin les vents les plus forts
Fixer des yeux l'horizon qui est mon vrai port
Mais aussi marcher dans la fraîcheur vivifiante
Des petites vagues côtières mourantes
Entendre leurs petits clapotis
Comme un étrange et discret récit
Mystérieux et captivant langage
Échos vagues de lointains rivages
Qui ne m’intéressaient pas réellement
Car je me sentais si bien ici et maintenant
Comme après une inespérée délivrance
Je me sentais en exceptionnelle vacance
À tous les vents à tous les possibles ouvert
Mon cœur à tous et à toutes totalement offert
Aujourd’hui était un jour de renaissance
Même s’ils se tenaient à bonne distance
Sur la grande plage de Saint-Malo
Les promeneurs étaient tous beaux
Divagations sur le Sillon - Dérives poétiques à Saint-Malo (livre à paraître...)
L'AMOUR EST UNE GUÉRISON (1 extrait...)
Aimer est un bonheur en soi
Qui ne se montre pas
Aimer dans le plus profond silence
Est à lui-même sa propre récompense
Et à l'autre on peut tout juste dire merci
Merci d'être ce cadeau qui n'a pas de prix
Merci pour ces moments de grâce
Où il occupait tout l'espace
Où l'on n'attendait rien
Où l'on ne nous donnait rien
Enfin rien que la plus formidable évidence
Celle de l'autre l'Unique existence
L'amour est une guérison
Qui survient sans raison
C'est quand on s'oublie soi-même
Et qu'on ne voit plus que l'être qu'on aime
Éclats de miroirs, éditeur : Edmond Chemin, août 2019.
COUP DE FOUDRE
L'amour est tombé sur moi comme une grâce divine,
Comme un mystère qui me domine,
Comme une soudaine abondance après une longue famine.
Mon cœur était un obscur désert.
A présent il est esprit et chair,
Joyeux goéland sur la mer.
Et celle que j'aime est dans la vague :
A la fois fraîche et tranchante comme une dague,
Fougueuse et berceuse comme le chant du vent,
Elle déploie l'arc-en-ciel de mon sang.
L'amour est tombé sur moi comme la foudre
Et s'il a souvent un goût de poudre,
C'est parce qu'il n'y a pas de grains
Dans le ventre chaud des lendemains.
Je suis l'enfant heureux de l'ivresse.
J'ai donné ma main au hasard
Et il m'a fait attendre dans la nuit noire
Jusqu’à ce que l’aube apparaisse.
L'amour est tombé sur moi comme un rire
Et celle que j'aime est une enfant,
Mais aussi une femme que je désire.
Je veux être plus que son amant.
Je suis envahi par la fièvre,
Je ne sais plus où sont ses lèvres
Toute caresse à peine esquissée devient aussitôt mièvre.
Il n'y a plus de corps
Là où finit définitivement la mort.
L'Oiseau Blanc, éditions La Nouvelle Proue 1989, réédition Edmond Chemin 2016
COLÈRE D'AMOUR
Ce que je te reproche ce n'est pas de m'avoir aimée
Car tu étais un amant doux et attentionné
Mais c'est de m'avoir aussi peu comprise
De personne avant toi je n'avais été aussi éprise
Ce que je ne puis accepter
Ce n'est pas que tu m'aies brusquement quittée
Je peux comprendre que mon très jeune âge
T'ait incité à tourner rapidement la page
Ce qui entretient ma déception ma colère mon chagrin
C'est que tu n'aies pas compris la nature de notre lien
Mon amour n'était pas d'une nature éphémère
Même s'il était parfois incendiaire
Je ne cessais au fond de moi de veiller sur toi
Je n'oubliais jamais quelle était ta voie
Mais toi tu m'as jugée trop fragile
Pour t'aider dans ce chemin difficile
Je savais que tu étais au bout de ton chemin
Pour moi cela aurait été le plus beau des destins
D'être celle qui t'accompagne jusqu’au seuil de cet ultime voyage
En écartant de ton ciel les derniers nuages
Mais tu t'es servi de moi comme d'une poupée
Qu'on aime déshabiller coucher et caresser
Et avec qui on ne peut rien construire
Sans risquer de gravement se nuire
Sais-tu qui vraiment je suis
Connais-tu le reste de ma vie
Je ne suis pas qu'une jolie femme
J'ai aussi un cœur un esprit une âme
Mais ce n'est pas l'image que tu avais de moi
Tu me percevais comme une maîtresse que l'on choie
Incapable de méditer sur le sens de l'existence
Ne pensant qu'aux plus charnelles jouissances
Aujourd'hui je ne peux que te haïr
Non seulement pour avoir réussi à nous désunir
Mais aussi pour m'avoir donné de moi une honteuse image
Celle d'une personne stupide égoïste et volage
Cela je ne peux te le pardonner
Pour moi c'est le plus mortel des péchés
Qui te fera regretter la délicatesse de mes prévenances
Quand tu mourras dans la plus solitaire des souffrances
Traces de vies, éditeur : Edmond Chemin, août 2023
PASSION
Dans la chaude lumière de tes yeux,
J'ai vu se glisser une ombre de tristesse.
Et ce n'était rien.
Rien, mon dieu !
Rien, me dis-tu, que nostalgie de princesse.
Et je ne comprends pas, je ne comprends pas !
Comme un cheval au galop tombe dans l'abîme
Je suis sur une route où retentissent mille pas :
Les tiens et les miens. Mon esprit descend des cimes ...
Et les voiles qui ligotaient mes mains
S'envolent au souffle ardent de ton sein.
Parfois les ouragans s'apaisent :
Est-ce une raison pour que ma raison se taise ?
Le sourd mugissement de ce lieu secret,
Qui se trouve au plus profond de moi-même,
A sa source dans un endroit encore plus secret
Qui, le sais-tu ? se trouve au plus profond de toi-même,
Et pourtant mon refuge familier n'est pas dans un corps.
Et pourtant ma joie s'est souvent perdue
Dans les villes tristes où il fallait être très fort
Pour retrouver de sa maison l'originelle rue.
Pourquoi toujours penser à ce regard d'enfant ?
Enfant blessé que je trouvai sur une plage sale.
Qui était seul. Son cœur, son cœur, encore je l'entends !
Son chant funèbre était pur de tout râle ...
Et pourtant ce n'était ni toi ni moi,
Ce n'était peut-être qu'un mauvais rêve.
Mais comprends-moi, c'est important pour moi !
Je ne veux pas qu'un jour notre amour crève.
Comprends que ma folie est souvent un défi,
Comprends que mes absences sont aux chaînes
Ce que les silences sont au cri !
Elles ont la vérité pour reine.
Ma vérité, c'est notre amour,
C'est dans ton regard la lumière,
C'est de mon sang le lancinant tambour
Lorsque tu apaises de mon désir la misère.
Mon amour, suis-je vraiment si fragile
Que je ne puisse te dire en deux mots
Ces deux mots si simples et si tranquilles
Dont l'un est sans doute de l'autre l'écho :
Je t'aime ?
L'Oiseau Blanc, éditions La Nouvelle Proue 1989, réédition Edmond Chemin 2016
LÈVRES OUVERTES
Guerriers de l'espérance
Nous avons pris tous les matins comme des dimanches
A l'orée de la nuit
Pourtant nous guettaient tous nos ennemis
Et la lune agitait son flambeau blafard
Au-dessus des rues de mon hasard
J'entendais les murmures des ruisseaux lointains
J'attendais les poupées au visage mutin
Il n y avait ici aucun rêve
Je brisais simplement la froideur de mes lèvres
Poèmes de mon nouvel âge, 1998, 2014, nouvelle édition décembre 2016
EMMANUEL
Emmanuel pourquoi as-tu croisé les bras
Pourquoi Pourquoi
Tu me regardais à la porte
Et moi j’étais comme déjà morte
Les fumées de Dachau
Sont montées très haut
Et j’ai le cœur dans une tenaille
Quand je pense à cette tenace grisaille
Mais toi tu es resté serein
Toi tu ne craignais rien
Tu écrivais des poèmes
Tu ignorais nos problèmes
Tu voulais comprendre nos ennemis
Tu ignorais tes plus proches amis
Tu n’entrais pas en résistance
Pour défendre nos existences
Emmanuel Emmanuel Emmanuel
Lève les yeux vers le ciel
Les fumées doucement retombent
Comme une implacable et lente bombe
Et si aujourd’hui tu as le regard noir
De ceux qui n’ont pas osé la vérité voir
Ne fais pas la justice
En infligeant à d’autres le même supplice
Aujourd’hui nous avons recréé Israël
Mais nous ne sommes pas immortels
La fumée est comme un long voile
Qui nous cache toujours les étoiles
Nous avançons dans la nuit
Notre passé nous poursuit
Nous recréons la même histoire
En en cultivant la mémoire
Emmanuel ouvrons-nous les mains
Et regardons vers demain
Oublions les vieilles blessures
Que la lumière nous transfigure
Prenons un nouveau chemin
Ouvrons nos maisons à nos voisins
Ne les repoussons pas loin au-delà de nos portes
Comme un peuple qu’on déporte
Bien sûr nous n’oublierons jamais
Bien sûr il y aura toujours cette fumée
Cette odeur écœurante
Les images révoltantes
Mais si par Dieu nous avons été élus
C’est pour être tous le visage nu
C’est pour affirmer notre différence
En renonçant à toute vengeance
Étranger est l'Éternel, éditions Edmond Chemin, 2015, réédition poche 2016
MIGRATION PLANÉTAIRE
Nous les nomades et les migrants
Nous sommes de tous les temps
De toutes les histoires
Et de tous les territoires
On a toujours voulu nous empêcher
Chez les nantis de nous installer
Mais pour fuir la misère ou la guerre
Nous allons toujours vers les pays qui prospèrent
Quand les peuples ne sont pas heureux chez eux
Ils changent simplement de lieu
Ce n’est pas une folle aventure
C’est presque une loi de la nature
Il vous faut prendre de la hauteur
Et donc de la grandeur
Il vous faut prendre de la distance
Et ne pas réagir en urgence
Lutter contre les migrations
C’est aller contre la créatrice évolution
Ce n’est pas en mettant des barrières
Qu’on arrête ce qui de nature prolifère
Rien n’est jamais définitivement établi
C’est cela la loi de la vie
Demain vous adopterez toutes nos croyances
Et c’est nous qui assurerons votre descendance
Comme vous-même vous l’avez fait autrefois
En ne laissant aux indigènes aucun choix
Sauf celui d’un lent génocide
Ou celui d’une vie sordide
Nous ne sommes pas meilleurs que vous
S’il le faut nous vous mettrons à genoux
Les dominants toujours se dépravent
Et finissent par devenir des esclaves
Alors afin d’économiser de l’énergie et du sang
Ne pourrions-nous pas aujourd’hui faire autrement
Au lieu de renforcer en vain les frontières
Trouver enfin une solution planétaire
Pour que l’humanité atteigne son âge de raison
Ensemble nous pouvons organiser une juste redistribution
Mais si nous acceptons d’un côté l’abondance
Et de l’autre côté une extrême indigence
Les migrants continueront à vous envahir
Et vous continuerez de plus en plus à les haïr
Il n’y a pas d’autre issue à cette lutte fatale
Sauf la déflagration finale
Étranger est l'Éternel, éditions Edmond Chemin, 2015, réédition poche 2016
LA VIE DEMAIN
La paix silencieuse de demain
Sera faite de l'ignorance d'aujourd'hui
Lourde fatalité léguée par nos pères guerriers
A l'aurore de l'avenir qui sommeille encore
Et personne ne sait vraiment
Si le serpent souterrain
Des rêves humains
Apparaîtra un jour à la lumière
De ceux qui savent là-haut
Et qui guident ma main
Ma main qui écrit sans réfléchir
Je ne vois rien
La vie me vient
Et surtout sans cesse elle me revient
Poèmes de mon nouvel âge, 1998, 2014, nouvelle édition décembre 2016
SANS PAPIERS
C’est seulement en clandestin
Que tu dois emprunter ce souterrain
Ce voyage dans l’espace
Se fait sans changer de place
Tu es un sans-papiers
Tu es dans l’illégalité
Si tu veux te faire reconnaître
Tu retombes dans le paraître
Tu ne peux être que dans l’exclusion
Jamais dans l’institution
Partout un hérétique
Car à toi jamais identique
Aucun titre de propriété
Aucun brevet d’authenticité
Aucune œuvre
Qui en donne la preuve
On ne peut te statufier
Car ce serait te pétrifier
Tu es comme une rivière
Toujours à elle étrangère
Pas d’outils
Et donc pas de favoris
Personne qui domine
Personne qui fascine
Ici pas de chef
Ce n’est pas un fief
Pas besoin de guide
Pour voir qui ici réside
C’est un vieux mendiant
Qui est aussi un petit enfant
Il ne peut vivre que de manière secrète
La publicité le fait disparaître
Ce n’est pas une attraction
Ce n’est pas une religion
Comme un oiseau craintif il s’envole
Au premier tour de parole
(L'Autre Ici, éditions Edmond Chemin 2015)
CLANDESTIN
Ma conscience est sans voix
Elle ne connaît ni comment ni pourquoi
C’est un palais de silence
Pour celui qui pense
Ce palais héberge un noble héros
Mon dieu qu’il est beau
Qui s’en croit le propriétaire
Mais n’en est même pas le locataire
Avec ses pensées comme clefs
Il essaye de tout fermer
Mais il y a toujours une ouverture
Qui n’avait pas de serrure
Il y a toujours un clandestin
Qui trouve un chemin
Il y a toujours un autre
Toujours un nouvel hôte
Ça n’est jamais fini
Toujours de l’inédit
D’ici je ne suis pas le maître
Surtout si je veux le paraître
Par de longs discours
Par des preuves d’amour
Par des expériences
Par l'excellence
Mais c’est en voulant bien
Ici que les autres soient souverains
En acceptant leur différence
Que je retrouve le silence
Au lieu de totaliser
Je vais plutôt écouter
Je serai partout inaudible
Et toujours divisible
L’autre je ne le verrai plus
Je ne l’entendrai plus
Mais perdant de moi la mémoire
J'assumerai son histoire
(L'Autre Ici, éditions Edmond Chemin 2015)
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À CHACUN SA JOIE
À chaque jour suffit sa joie
Et à chacun suffit sa voie
Va toujours vers ce qui te plaît
Mais ne regarde jamais à côté
(Poèmes de mon nouvel âge, 1998, 2014, nouvelle édition décembre 2016)
JAMAIS À MOI PAREIL (extrait)
Excusez moi je ne suis pas parfait
De tous vos bienfaits
Et de toutes vos fautes
Je suis l’aimable hôte
Et j’en suis aussi l’auteur
Car c’est moi le beau parleur
C’est par un prétentieux langage
Que j’oublie mon vrai visage
Je vous en demande pardon
Car je n’est pas qu’un pont
Il n’est pas fait que de silence
Mais aussi de votre signifiance
Je ne mets pas d’autre dans mon Un
Je suis seul sur ce chemin
Dont vous êtes les surprises
Comme de déroutantes balises
Elles mêlent nos pas
Me font changer souvent de voie
Elles élargissent l'immense fenêtre
Qu'est la conscience de mon être
A la fois bon et mauvais
Car j’aime et je hais
Je suis un détonant mélange
A la fois démon et ange
Une irrémédiable tension
Au bord d’une explosion
Que seule une douce grâce
Au dernier moment remplace
Une invisible main
Qui je ne sais d’où vient
Avec une étrange indulgence
Me détourne à chaque fois de la violence [...]
(L'Autre Ici, éditions Edmond Chemin 2015)
CE QUE L'AUTRE RESSENT
Que de chemin douloureux avant de pouvoir ressentir !
Prendre le temps de ressentir sans me presser de réagir,
Sans juger, sans interpréter, sans jouer un rôle.
Sans me soucier de l'apparence, sans me soucier des protocoles,
Mais simplement être là, dans la vérité de l'instant
Et ressentir l'autre comme il est là, dans son présent,
Pas seulement ce qu'il montre de lui : parole, corps, visage,
Pas seulement ce qu'il a acquis ou reçu en héritage !
Mais ce qu'il vit maintenant,
Ce que réellement il ressent.
Et non pas ce qu'il veut paraître
Et non pas ce que, moi, je veux paraître.
Je suis ce que je suis
En n'étant pas uniquement ce que je suis,
Mais en me dépassant moi-même,
En étant bien plus que ce qu'en moi j'aime.
Pour me projeter dans ce que l'autre ressent
Je dois accepter d'être de lui très différent.
Alors, je vois mon espace à l'infini s'étendre
Sans pour autant ne plus m'entendre.
(Éclats de miroirs, éditeur : Edmond Chemin, août 2019.)
RENOUVEAU
Les élans de la nuit
Ont rouvert la plaie profonde de mon ennui
Et j'ai plongé dans l'eau précieuse
De ta jeunesse radieuse
Je ne m y suis point noyé
Mais j’y ai tout oublié
Et par ma défunte mémoire
C'est à toi à présent que je vais croire
(Poèmes de mon nouvel âge, 1998, 2014, nouvelle édition décembre 2016)
DÉLIVRANCE
Mon ami mon frère
Que puis-je pour ta misère
Au seuil de la mort
Je vois encore souffrir ton corps
Et je te cache mon immense tristesse
En te donnant maladroitement ma tendresse
Mes yeux sauront-ils te dire mon amour
Ne serait-ce qu’un instant très court
Pour qu’à la seconde fatale
Tu t’en souviennes comme d’une étoile
Dans mon coeur tu seras toujours né
Tu brilleras pour moi dans la gloire de l’éternité
(Poèmes de mon nouvel âge, 1998, 2014, nouvelle édition décembre 2016)
BATACLAN 13 NOVEMBRE 2015
Ils étaient venus pour s'exprimer
Ils étaient venus pour s'exalter
Ils étaient venus pour partager
Ils étaient venus pour s'éclater
Ils ont été emportés par une vague sauvage
On les a détruits avec rage
Femmes et hommes de tout âge
Vous avez subi le plus horrible des carnages
J'entends encore les cris et les voix
Les corps qui tombent comme des noix
Les regards pleins d'amour et d'effroi
Qui sont comme d'éternelles croix
Je n'oublierai jamais les mains qui s'étreignent
Au milieu des corps qui saignent
Les rafales qui inutilement les atteignent
Dans les yeux la terreur qui règne
Je n'oublierai jamais ce lourd matin
Mon cœur qui sonnait le tocsin
J'errais dans la rue comme tous mes voisins
Sur un chemin qui me paraissait incertain
Paris n'était plus que tristesse et silence
Il n'y avait ni colère ni tolérance
C'était comme une stupeur immense
Face à une incompréhensible violence
Paris dévoilait son funèbre décor
Et comme dans un long sombre corridor
Nous avions revêtu les visages des morts
Nous imaginions les blessures des corps
Ils ne portaient pas d'armure
Ils étaient venus avec leur vraie nature
Raisonnables ou bien dans la démesure
Ils rejetaient tous la censure
Crânes rasés ou cheveux onduleux
Yeux noirs ou bleus regards clairs amoureux
Sourires d'anges heureux
Ou caractères bruts ténébreux
La musique effaçait vos différences
Vous communiez dans la transe
Et même pour certains dans la danse
C'était une véritable jouissance
Vous êtes nos nouveaux martyrs
Ceux que l'on veut juger et punir
Parce qu'ils accomplissent nos plus profonds désirs
Parce qu'ils aiment la beauté et le plaisir
Vous ne quitterez jamais nos mémoires
En cultivant pieusement vos histoires
En étendant à l'infini votre territoire
Nous ferons de votre sacrifice une victoire
Nous nous battrons pour ce que vous avez incarné
La joie la musique la vie la liberté
Votre souvenir deviendra comme un projet
Qui sera partout réalisé.
Ils étaient venus pour s'exprimer
Ils étaient venus pour s'exalter
Ils étaient venus pour partager
Ils étaient venus pour s'éclater
(Éclats de miroirs, éditeur : Edmond Chemin, août 2019.)
ICI RIEN QUI ME VOILE
Ici il n’y a rien qui me voile
Ici je n’ai aucune pudeur
Car ici tout est intérieur
Ici de tous je suis l’égale
Si l’’ombre qui me recouvre
Me permet de voir mieux
Ce qui devant moi est lumineux
C’est parce que je sais où je me trouve
Et si je cache mon visage
C’est parce que je ne peux être regardée
Sans devenir pour moi un objet
Je ne suis pas une image
Ici il n’y a rien qui me voile
Ici je n’ai aucune pudeur
Car ici tout est intérieur
Ici de tous je suis l’égale
Je ne suis pas qu’une servante
Sous une apparence de soumission
Je vis tout avec passion
Ici je me sens indépendante
Car je me sens indéfinissable
Avec des sentiments constants
Mais aussi des rêves violents
Des miens je suis responsable
C’est une liberté qui est sans tutelle
De ne pas chercher les honneurs
Tout en donnant de soi le meilleur
Par une dévotion toute maternelle
Ici il n’y a rien qui me voile
Ici je n’ai aucune pudeur
Car ici tout est intérieur
Ici de tous je suis l’égale
Dans cette grande famille
Où il n’y a qu’un seul corps
Où tout est dedans rien dehors
Jamais je ne me déshabille
Car celui à qui je me dévoile
Me connaît profondément
Il ne voit pas que ce qui est apparent
Il a en moi une confiance totale
Pour assurer sa descendance
Mais aussi pour avec les autres partager
Être dans la joie et dans l’amitié
Dans une commune existence
Ici il n’y a rien qui me voile
Ici je n’ai aucune pudeur
Car ici tout est intérieur
Ici de tous je suis l’égale
Croire aux mêmes choses
Partager le même lieu
Vénérer le même dieu
Qu’y a-t-il donc de plus grandiose
Pourquoi donc il vous dérange
Cet innocent tissu
Dont je suis depuis toujours revêtue
Que voudriez-vous donc me donner en échange
Je serais une prisonnière
Et vous voudriez me donner des droits
Par exemple celui d’avoir froid
De ne plus avoir de vie communautaire
Ici il n’y a rien qui me voile
Ici je n’ai aucune pudeur
Car ici tout est intérieur
Ici de tous je suis l’égale
Et de nombreux autres avantages
Comme celui de tout manger
Et de ne rien partager
Celui de rester seule à un grand âge
De ne croire en rien qu’en ma personne
D’exciter des hommes le désir
Vous voudriez qu’au goût du plaisir
Passionnément comme vous je m’adonne
Que je dévoile ma face
Pour que vous puissiez m’étiqueter
Comme faisant partie des gens évolués
Et qu’ainsi je perde de la liberté mon espace
Ici il n’y a rien qui me voile
Ici je n’ai aucune pudeur
Car ici tout est intérieur
Ici de tous je suis l’égale
Mais je pardonne à votre ignorance
Car vous ne pouvez savoir où je vis
Vous ne pouvez savoir quel est ce lieu béni
Vous vous fiez trop aux apparences
Ici où je vis il n’y a pas de frontières
C’est une permanente expansion
Largement ouverte à toutes les abnégations
Mais je ne perds jamais mes repères
Je suis paisible et heureuse
Dans cette grande maison
Qui est depuis toujours mon horizon
Invisible et silencieuse
Ici il n’y a rien qui me voile
Ici je n’ai aucune pudeur
Car ici tout est intérieur
Ici de tous je suis l’égale
(Étranger est l'Éternel, éditions Edmond Chemin, 2015, réédition poche 2016)
PRIÈRE
Quand je me prosterne cinq fois par jour
Je ne regarde pas alentour
Je perds la notion de l’espace
Quand sur le sol je pose ma face
Alors toi seul mon Dieu est présent
De la tête aux pieds je me tends
Comme du violon la corde
Pour implorer ta miséricorde
Mon dieu accorde-moi la grâce
D’agrandir toujours mon espace
Et ainsi à toi complètement soumis
Je sens que ce n’est pas moi que tu bénis
Celui que tu bénis est en train de disparaître
Par la main même de son divin maître
Reconnaissant son niveau
Il devient l’égal du zéro
Et alors il n’y a plus de distance
Entre l’immanent et ta transcendance
Mon dieu accorde-moi le temps
D’être toujours à toi présent
C’est une communion de type vertical
Ce n’est pas un édifice pyramidal
C’est comme une secrète cellule
Au fond il y a quelque chose qui brûle
Face à toi je suis aveugle je ne vois rien
Mais tu me prends la main
Et je m’abandonne à ta guidance
Car illimitée est ta puissance
Mon dieu donne-moi ta main
Pour aller toujours plus loin
Et éternelle est ta protection
Pour ceux qui font preuve de vénération
Ils sont invulnérables
Face aux pires impondérables
Ceux qui manifestent leur foi
Ils seront un jour près de toi
C’est le coeur rempli d’allégresse
Qu’ils recevront ton infinie tendresse
Mon dieu accorde-moi la foi
Pour être toujours auprès de toi
En toi jusqu’au bout ils auront cru
Et de toi ils auront tout reçu
Mais moi je suis encore trop indocile
J’incline lourdement mon dos de reptile
Je l’incline cinq fois par jour
En n’espérant rien en retour
Sauf de te plaire
Et plus si c’est nécessaire
Mon dieu accorde-moi la grâce
D’agrandir toujours ton espace
(Étranger est l'Éternel, éditions Edmond Chemin, 2015, réédition poche 2016)
RESSOURCE
Le nid de ma tendresse
Est perché là-haut au sommet d'une idée fabuleuse
J'y vole vole vole pour y voler maints baisers rudes
Que me donne l'aurore diamantée
De mon indépendance
Ô mon domaine fertile
Comme tu es lointain
Et pourtant toujours j'en reviens
Avec des anges gardiens
Très habiles
Bien que fragiles
Appels divins
Qui me touchent délicatement
Valeurs clignotantes hésitantes
L'amitié et l'amour se confondent agréablement
Ciel humain toujours prêt à frémir
À pleurer ou à rire
(L'Oiseau Blanc, éditions La Nouvelle Proue 1989, réédition Edmond Chemin 2016)
BON JOUR
Regarde les yeux de l'aurore
Ils sont ouverts sur une vie à venir
Regarde les yeux encore clos de la nuit
Ce sont tes rêves de demain
Qui dorment au creux de tes mains
Sur le chemin qui s'avance
Je vois les couleurs de la vie
Qui se mêlent dans un miroir
Où il y a mon visage
Au-delà de tout âge
Au-delà de mes espoirs jadis déçus
Au-delà de mon cœur aujourd'hui nu
Je sens battre les ailes d'un jour nouveau
Là-bas
Tout de suite
Une lueur est née
Je ne vois rien mais je sens je ressens
Comme une présence constante
Une énergie chaude douce
Qui m'imprègne me berce me calme
Je me sens si heureux lorsqu'en elle je m'abandonne
À ma douleur
Car elle devient alors Amour
Car je ne me sens jamais seul
Mais je me sens toujours aimé
Sans avoir rien à prouver
Même pas que je suis heureux
Ou malheureux
Je peut être
Vous peut être
Dans la nuit à peine finie
Je suis déjà les yeux de l'aurore
Et je crée chaque jour qui vient
À la lumière de mon cœur
(Poèmes de mon nouvel âge, 1998, 2014, nouvelle édition décembre 2016)
CÉZEMBRE (extrait)
Les intestins noués
De la grande mascarade obsolète
Qui fabrique les armes
Dont se nourrissent les bêtes féroces
Qui s'affrontent dans le désert des villes
Qui se construisent et se déconstruisent
Au fil des vagues qui vont et qui viennent
Qui charrient dans leurs flots
Les débris des arsenaux égarés
Dans l'histoire des siècles
Et les poudrières de l'avenir guerrier
Ne seront qu'un spectacle de plus à donner
Dans l'obscurité naissante
Alors que je ne verrai plus les nuages planant
Et que je m'enracinerai là où je ne naîtrai jamais
Là où les caravanes de feu passeront en un éclair
En un éclair de feu
Et les étincelles qui couronnent le sommet
De cette terre abandonnée
Sont comme le sacre d'une ère révolutionnaire
Dont les éclats sont
Les reflets des vagues marines
Qui ne cessent d'assiéger l'île de Cézembre
Elles ne se sont jamais renouvelées
Ce sont les mêmes qui applaudissaient
A chaque bombe celles qui éclataient
Au-dessus de l'île
Au-dessus de toutes les îles du monde
Les îles de ma solitude sont bien plus à l'abri
Que cette masse informe
Et son sourire si accueillant
Qui cache un potentiel meurtrier
Des têtes qui explosent
Des bras des mains coupées du sang qui rougit
Qui fait honte et le premier napalm
Qui incendie les corps et laisse dans les cœurs
Un souvenir abominable
Traces du passé que je ne peux visiter
Que je ne peux qu'imaginer
Traces de l'avenir qui restent
Comme un marchepied pour accéder
À l'infinité
À l'infinité des possibles
Des possibles meurtriers
Terre blessée à mort
Où l'on ne peut plus creuser sans s'empoisonner
Sans risquer sa vie sans risquer sa santé
Amour que jamais ici je ne trouverai
Ô hommes que faites-vous de la vie simple ?
Ce n'étaient que des soldats
Ce n'étaient que des hommes
Qui obéissaient à d'autres hommes
Ils n'étaient pas des nôtres
Mais c'étaient des hommes
Et vous les avez brûlés
Et vous avez à jamais condamné cette terre
Comme vous créerez bientôt des océans de malheur
Qu'on ne pourra plus jamais traverser
Mais pourquoi ne pas m'écouter
Pourquoi ne pas jeter toutes ces armes
Revenons aux siècles des arcs et des flèches
J.P. Inisan, Divagations sur le Sillon, livre en cours de création, à paraître prochainement.
TEMPS
Encore je songe.
Oui, déjà je songe !
A quoi songes-tu, ami ?
Jadis je franchissais les plus grands espaces ;
Je chantais et criais, sans angoisse.
Maintenant Il refuse
Et plus je ne m'amuse.
Enfant, adolescent, adulte :
Il m'a trahi.
Qui ? Temps, monture occulte
Que menait jadis mon esprit.
Tantôt. Après. Non, arrête, ! Impossible !
Mais était-ce lui ?
Je l'appelle, je lui crie : « Insensible » !
Je lui mords l'échine, je lui dis « Mon chéri ».
Il continue, sans voir ma tristesse,
Sans émouvoir son infini
Et s'impose à mon âme en laisse,
Songeur et triste lui aussi.
(L'Oiseau Blanc, éditions La Nouvelle Proue 1989, réédition Edmond Chemin 2016)
NOS MAINS
Je puis poser ma main sur ta main
En me disant que je le ferai encore demain
Quoi qu’il arrive
Quelle que soit ma dérive
Je puis poser ma main sur ta main
En me disant que c’est cela mon chemin
Quoi qu’il advienne
Quelle que soit ma peine
Je peux prendre ta main dans ma main
Et me dire que toi et moi nous irons loin
Quoi qu’il en coûte
Quels que soient nos doutes
Je puis prendre ta main dans ma main
Et me dire que nous sommes bien
Quoi qu’il pleuve
Quelles que soient nos épreuves
Je puis séparer ma main de ta main
En me disant que je reviendrai demain
Quoi que tu en penses
Quel que soit le silence
Je puis poser ma main dans ta main
Et me sentir ainsi très bien
Quoi que j’en décide
Quel que soit le vide
Je puis faire tout ce que je veux
Avec mes mains
Avec moi-même
C’est comme cela que je t’aime
Libre avec tes mains
Libre avec toi-même
Nous sommes alors très bien tous les deux
Poèmes de mon nouvel âge, 1998, 2014, nouvelle édition décembre 2016
ÉCLATS DE MIROIRS (extraits)
Éditeur : Edmond Chemin, août 2019
LE CHAT
Souviens-toi de ce chat sous les toits
Il s'introduisait tous les soirs chez toi
Il aurait voulu ronronner sous tes caresses
Simplement jouir un peu de ta tendresse
Pour toi ce n'était qu'un dangereux maraudeur
Et pour le chasser tu essayais de lui faire peur
Mais il n'était pas du genre docile
Et cette mansarde était peut-être à lui son domicile
Toi tu n'étais là que pour quelques jours
Lui tous les soirs depuis toujours il y faisait un tour
Presque un tour de propriétaire
C'était certainement un grand solitaire
Pourtant il aurait suffi de si peu
Il aurait fallu simplement calmer le jeu
Il aurait suffi d'un peu de silence
Le rassurer par un peu de bienveillance
Et alors vous auriez pu avec amour partager
Partager sans jamais vous sentir obligés
Partager cet éphémère territoire
Et il n'en serait rien resté dans votre mémoire
Sauf le souvenir d'une paisible nuit
Où chacun aurait pu se sentir compris
Sans que cela ait plus d'importance
Que d'avoir offert à l'autre sa confiance
DÉESSE
C'était une déclaration spontanée
Qui m'a décontenancé : elle me dit qu'elle m'aimait
Et dans son regard il y avait cette flamme
Qui jaillissait du plus profond de son âme
Mais moi je ne m'intéressais qu'à son corps
Je ne voulais connaître d'elle que le dehors
Je ne voulais recevoir d'elle que la jouissance
Faire la démonstration éclatante de ma puissance
Elle me regardait avec ces immenses yeux ingénus
Des myopes quand de leurs lunettes elles sont dépourvues
Son regard clair lui donnait un air vulnérable
Qui me la rendait encore plus désirable
À cette époque je voulais vivre suivant mon instinct
Le plaisir était pour moi le plus suprême des biens
Je m'apprêtais donc à lui rendre hommage
À jouir pleinement de mon viril avantage
Mais je ne sais pas ce qui s'est passé
Doucement contre moi je l'ai serrée
J'abandonnai soudain toute intention voluptueuse
Et mes caresses furent presque pieuses
Quelque temps après je m'en suis voulu
Je me suis reproché de ne pas y avoir cru
De ne pas avoir su saisir ma chance
De vivre un moment inoubliable de plaisir intense
Elle était prête à me donner d'elle le meilleur
Et moi j'ai réagi sélectivement avec mon cœur
Il est vrai qu'en échange j'ai reçu sa tendresse
C'était celle d'une déesse
MÉDITATION DU VOLCAN
Un volcan venait de s'endormir
Et je croyais pouvoir enfin du calme tranquillement jouir
Mais voici qu'à nouveau soudain il explose
Et puis tout de suite après encore il se repose
Il reprend son souffle sa respiration
Si longuement si profondément que c'en est presque une méditation
Qui féconde le feu et les cendres
Qu'il va à nouveau sur la plaine abondamment répandre
Ce va-et-vient interminable entre silence et fracas
Finit par me ramener chez moi
Comme en une éternelle renaissance
En-deçà de toute durée et de toute distance
MÉTAMORPHOSE (1 extrait...)
Je n'ai pas vu la lumière qui descendait du ciel
Je n'ai pas vu la rivière qui coulait sur un lit de miel
Je n'accordais aucun intérêt à ce genre de choses
Pas plus d'ailleurs qu'au parfum des roses
Pourtant l'étincelle dansant dans tes yeux
Aurait dû m'interroger sur la nature de ce feu
Peut-être qu'une automobile flambant rouge
Aurait plus fait l'affaire pour qu'enfin je bouge
J'étais loin de ces curieux et lointains émois
Je ne voyais que ce qui courait sous les toits
De tout le reste je n'avais aucune connaissance
C'était ainsi depuis le jour de ma naissance
Je n'entendais pas l'écho des chants anciens
Je n'entendais pas les sons cristallins
Sur les tapis voguants des manoeuvres
Portés par le flot profond du grand fleuve
Et je ne sentais pas les effluves moisies des étangs
Mêlés aux senteurs épicées du vent
Quand il n'avait pas encore trouvé sa place
Et qu'il rôdait encore fantôme dans l'espace (.../...)
MÉDITATION
J'avais rendez-vous pour une méditation
Mais je ne trouvais pas le lieu de la réunion
J'ai cherché en vain j'ai cherché
J'ai fini par abandonner
Et alors une porte s'est ouverte
Mais la maison était déserte
Je me suis assis par terre et j'ai attendu
Personne n'est venu
J'ai attendu pendant des heures et des heures
C'était une immense demeure
Avec une seule pièce et seulement trois murs
Le quatrième était entre deux coins obscurs
Sans doute existait-il mais derrière moi et il était invisible
Sa présence ne se révélait que par sa cible
Un immense miroir transparent
Rempli de bruits de vie et de gens
Comme une cour de récréation indélimitable
Remplie de beaux châteaux de sable
Que fébrilement tout le monde construisait
Et que tout le monde aussi fiévreusement démolissait
En une incontrôlable et merveilleuse transe
Sans faire de différence
Ceux des autres et les siens
C'était un jeu qui semblait être sans fin
ll n'y avait dans ce drôle de film ni méchants ni bons
Chacun jouait son rôle avec application
Bien sûr certains éprouvaient de la détresse
Mais ça faisait partie de la générale liesse
Et curieusement toute cette agitation et ce tapage
Formaient comme un harmonieux mixage
Je m'en sentais à la fois très distant
Et complètement dedans
Ici il y avait toujours le même silence
Toujours la même invisible présence
Ici je me sentais seul et heureux
Plein du monde et nu comme un dieu
Je n'attendais plus personne
Comme un roi né sans royaume
Je jouissais secrètement de mon véritable moi
Sans jamais vouloir imposer ni ma loi ni ma foi
Ne trouvant plus la porte j'ai voulu sortir par la fenêtre
Mais c'était la conscience de mon être
Je suis donc définitivement resté enfermé Ici
Où avec le monde entier désormais je vis
SYNCHRONICITÉ (extraits...)
Que donneras-tu à la lumière
Toi qui as vécu une vie guerrière
T'arrêteras-tu un jour sur ton chemin
Ou voudras-tu toujours aller plus loin
Sacrifier toujours plus à tes idoles
Accumuler toujours plus de signes et de symboles
Sans prendre jamais le temps de déguster
Un instant de pure clarté [.../...]
... Tu galopes sans cesse dans un interminable couloir
Sans jamais voir ce qu'il y a derrière les miroirs
Sans jamais ouvrir les fenêtres
Pour regarder à l'intérieur de ton être
Car tu y verrais le multiple et le un
Voguant sur les mêmes chemins
Tu y verrais tes multiples et bruyantes existences
Dans une seule et même silencieuse conscience
Dans le passé dans le futur et dans l'espace présent
C'est-à-dire toutes rassemblées ici et maintenant
HUMILITÉ (extrait)
... en acceptant d'être plusieurs destins
Tout en paraissant n'en assumer qu'un
En n'en parlant ni en ne le montrant à personne
En restant à ce sujet invisible et totalement aphone
En ne croyant jamais être aux autres supérieur
Ni non plus être devenu un homme meilleur
Vivant une existence modeste et discrète
N'attendant pas que l'on me glorifie ou qu'on me fête
Je maintiens le lien avec mes alliés de la nuit
Car ils détestent la lumière et le bruit
Ils préfèrent que l'on croit à leur absence
Plutôt que l'on vénère leur soi-disant toute-puissance
SECRET (extrait)
... Souvent je peux connaître un proche avenir
Et plus rarement il est vrai j'ai pu aussi guérir
Mais comme la science m'aurait accusé d'imposture
Je n'ai apposé nulle part ma signature
DÉFI (extrait)
Il faut sortir des longs couloirs de l'ennui
Oser se jeter dans la plus noire des nuits
Là où règnent les plus secrets de nos fantasmes
Là où les corps échappent enfin à la mécanique du spasme
Descendons dans les rues
Beaux et complètement nus
C'est en étant ainsi à notre avantage
Que nous obtiendrons le meilleur éclairage
Chantons à haute voix sur les toits
N'attendons pas d'être aux abois
Nous ne serons jamais des anges
Alors n'attendons pas que le destin nous dérange
Prenons-le à bras-le-corps
Défions même la mort
Allons jusqu'au bout de nos rêves
Là où jamais ils ne s'achèvent
LE VRAI NOM DE L'AMOUR (extraits...)
À ceux qui se moquent du mot Amour
Parce qu'ils le jugent mielleux hypocrite ou lourd
Je dis qu'ils le confondent avec le mot gentillesse
Ou qu'ils lui donnent par erreur le sens de faiblesse
L'amour n'est ni faible ni gentil
Il nous attire aussi bien des ennemis que des amis
C'est un ressenti qui peut faire des ravages
Quand il s'adresse à ceux qui aiment le carnage
Car on n'aime pas que les êtres bons
On n'aime pas que les moutons
On aime aussi les loups et les panthères
Les prédateurs et ceux qui aiment la guerre
Et alors on peut devenir comme eux
Capable des actes les plus belliqueux
L'amour n'est pas le contraire de la haine
Mais il la considère comme étant sienne
[... /...]
On vous a fait croire que l'amour c'était vous sacrifier
Pour mériter la reconnaissance sociale et le succès
Pour après votre mort échapper à la punition infernale
Ou au contraire obtenir la récompense paradisiaque finale
Mais ce n'est pas ce que j'entends par ce mot
Ce mot signifie pour moi l'amour du beau
Pas seulement la beauté physique
Mais c'est l'amour de ce qui n'est pas logique
C'est ce qui fait qu'un être nous surprend
Qu'il se montre de son image différent
Comme la force cachée d'un être vulnérable
Ou la noble générosité d'un tyran implacable
C'est ce qui nous confronte à une autre réalité
Quelque chose qui ne nous est pas familier
Ressentir d'un autre l'extrême différence
C'est faire un long voyage dans la transcendance
C'est un voyage dangereux mais divin
Qui nous écarte des chemins communs
Qui à la fois nous exalte et nous tranquillise
Nous inquiète et nous sécurise
L'amour emprunte de multiples voies
Mais c'est toujours un plaisir en soi
C'est une petite mais ardente flamme
Qui réconcilie le corps et l'âme
MATIN
Sous les voiles frémissants de l'aurore
Se cache la porte d'une nouvelle vie
Les yeux encore pleins des brumes de la nuit
Tu sors lentement comme d'un obscur souterrain
Tu ne fais encore que rêver le matin
Au loin derrière l'horizon qui se colore
Se lève la flamme de l'espoir
Et dans un incommensurable profond miroir
Tu aperçois ton vrai visage
Au-delà de tout âge
Ce n'est pas un château
Les murs ne sont ni épais ni hauts
Ce sont d'immenses fenêtres toujours ouvertes
Pour accueillir le meilleur de ton être
Le meilleur de ton être ne peut être vu
Ne peut être entendu
Le meilleur de ton être
C'est ce que tu ne peux jamais paraître
TU ES LUMIÈRE
Tu es lumière et tu retourneras en lumière
Au-dessus des nuages le ciel est toujours bleu
C'est à la fin de la nuit que le soleil se lève radieux
Tu es lumière et tu retourneras en lumière
La conscience est ta plus haute substance
On t'a appris que c'est le corps son bel écrin
En vérité c'est elle qui constamment l'étreint
Elle te donne son indestructible transparence
Et cette flamme ardente qui au fond de toi brûle
A sa source dans l'instant présent
Elle nourrit partout le vivant
Elle ne connaîtra jamais de crépuscule
Ici c'est toujours un autre que tu aimes
C'est un chemin sans début et sans fin
Comme un perpétuel nouveau matin
C'est en changeant sans cesse que tu restes le même
Tu es éternel car tu ne te fixes pas à une image
Tu meurs maintenant
Et tu renais l'instant suivant
Tu es un interminable passage
Nuages et rêves passent
Mais rien ne bouge Ici
Tout est clair chaud silencieux Ici
Ici tu contiens le temps et l'espace
Tu ne crois pas aux apparences
Des autres tu perçois clairement les auras
Et tu peux leur dire quelle sera leur voie
Mais de toi-même tu es dans la plus totale ignorance
Tu voudrais leur donner en abondance
Mais comme tu ne possèdes rien
Ce que tu leur donnes est au-delà du mal et du bien
C'est de leur existence la lumineuse conscience
ICI
Ici est sans voix
Ici tout est choix
Ici est immobile
Mais tout autour ce n’est pas tranquille
Il y a comme un spectacle de nuit
Un théâtre de cris
Une folle fête
Où je perds la tête
C’est un immense port
Un immense corps
Un défilé de visages
Une course de rivages
C’est un point sans fin
De tout il est plein
Une caisse de résonance
Pour la musique et la danse
À la fois l’immuable essieu
Et la grande roue des cieux
Qui tourne à si vive allure
Qu’à chaque instant elle me défigure
Mais même sans reflet
Je me sens aimé
Anonyme pilote
D’une gigantesque flotte
Je n’ai plus de nom
Plus de définition
Je n’ai plus de rêve
Je revis sans trêve
PAYSAGE
Bien avant l'horizon
Il y a eu une explosion
Puis un drôle d'arc-en-ciel
Il ne semblait pas naturel
Il avait bien toutes ses couleurs
Mais il n'était pas à la bonne hauteur
Il n'était pas à hauteur d'homme
Il était en face de celui que jamais je ne nomme
Les tons étaient précis
Sur un fondu de nuages clair-gris
Cet étrange paysage
Apparut après un orage
Très large et pas profond
Comme un simple arrière-fond
Un peu comme une épure
Dans un cadre sans bordures
C'était comme un tableau géant
Aussi plat qu'il était grand
Ni beau ni moche
Mais de moi si proche
Cet inadmissible culot
Me laissait sans mots
Je ne pouvais pas m'inclure
Dans cette éphémère peinture
Et je ne la contenais pas
Simplement elle était là
A moins de zéro millimètre
Je savais qu'elle allait bientôt disparaître
Et je n'essayais pas de la retenir
Je ne voulais pas plus tard m'en souvenir
C'était une fugace présence
Avec une absence totale de distance
Sans avant sans après
Et rien d'elle ne me séparait
Aujourd'hui par la parole
J'en ai fait un symbole
Ce n'est plus qu'une représentation
Une belle démonstration
Mais je n'en ferai plus l'expérience
Car cela n'a jamais eu d'existence
RÊVE
Je marche le long d'une falaise verte.
Devant moi marche Yaki.
J'ai peur, je tremble.
Le sentier est étroit, la falaise est haute et, devant moi, marche Yaki.
Il est vieux, il est gris.
Il marche lentement.
Yaki est un vieux sage et c'est mon ami.
Derrière moi, il y a Olott, l'enfant multicolore.
Il court, il crie, il saute, il me bouscule !
Il me fait peur.
Je pose la main sur l'épaule de mon vieil ami, devant.
Je sens la tribu qui suit, à la file, derrière.
Je suis rassuré.
Soudain je me sens
Poussé,
Re-poussé,
Re-poussant !
Et moi,
Le vieillard,
L'enfant,
Nous tombons ensemble.
Dans le vide.
Je les sens si proches, si proches dans cette chute
qui n'en finit pas !
Enfin, je tombe !
Sans pouvoir me retenir.
Je n'ai plus peur.
Cette chute est sans fin.
Cette chute est sans début.
Elle n'a jamais commencé.
Elle ne finira jamais.
Mon dieu, je découvre qu'elle n'a pas de sens !
Elle est maintenant, elle est ici.
C'est un trou sans fond et sans chapeau.
Pas un trou noir !
Au contraire, un abîme de lumière.
Nous nous tenons les mains, nous ne faisons qu'Un !
Les corps se cabrent, se redressent,
Nous rejaillissons.
Très haut.
Très bas.
Âme à la Verticale.
Maintenant nous sommes Ici.
Ici est une plaine immense, l'horizon familier de ma vie.
Avec toute la tribu.
Mon dieu, qu'elle est immense !
Nous nous ressemblons tous.
Qui est Yaki ? Qui est Olott ?
Mon dieu, qui suis-je, qui est l'autre ?
Je ne me vois nulle part...
Des larmes ne cessent de me laver les yeux.
Enfin, je vois.
SILENCE
Il est monté jusqu'au sommet
Et longuement l'horizon il a scruté
Il n'en finissait pas de descendre
Je n'ai fait que l'attendre
Mais il n'est jamais revenu
Et je ne me suis pas tu
Mes appels résonnaient dans le vide
Ma nuit était aride
Je répétais les mêmes mots
J'espérais qu'ils fussent si beaux
Que le désert ils fécondent
Qu'ils donnent du sens à ce monde
Mais personne ne m'a pris la main
Et seul j'ai continué mon chemin
Je n'attends plus les oracles
Plus besoin de spectacle
La parole n'est plus d'or
Je ne crois qu'en mon corps
Il est immense
Et baigné de silence
Au fond d'un lac il y a un vieux monsieur
Qui maintenant est heureux
Sous cette étendue tranquille
Il a élu domicile
ATTENTION, SOLUTION FINALE !
Il devrait être le plus saint
Ou le plus le cœur sur la main
La plus admirable sagesse
La plus touchante gentillesse
Des maîtres le plus grand champion
Celui qui donne la meilleure initiation
Celui de qui on fera un buste
Parce qu’il était un vrai Juste
On voudrait qu’il n’y ait qu’une seule vérité
Et c’est celle qu’il a enseignée
Ainsi plus de doutes
Plus qu’une seule route
Il n’y a qu’un seul chemin
Celui qui n’en fait pas le sien
Est digne d’indulgence
Mais pas de reconnaissance
Que le point de vue soit différent
Ici n’est pas un bon argument
Quand la conception est totale
Attention la solution devient finale
JAMAIS UN SANS DEUX
Au royaume de l’unité
C’est toujours le même qui est aimé
Sous mille formes
Tout partout serait au Un conforme
En vérité et c’est heureux
Jamais Un sans Deux
A la fois unique et multiple
De personne tu n’es le disciple
Tu ne cesses de désirer
Pour te réunifier
Mais c’est un attelage
Qui ne cesse de faire naufrage
Car la séparation ne suit pas l’union
Elle en est la condition
La tension ne précède pas la détente
Mais l'une de l'autre sont dépendantes
Exclure un des deux éléments
Vouloir qu'un seul soit important
Que tout soit unitaire
C'est refuser le mystère
C'est refuser l'éternel
Que de refuser le mortel
A vouloir que tout soit compréhensible
On se croit infaillible
Pratiques sont les schémas
Il n'y aurait que le haut et le bas
Le vivant ne serait qu'un rêve
Et l'inexistant ce qui élève
Ou la mort serait un néant
Et la vie le seul composant
Que l'on rentre ou que l'on sorte
Il y aurait comme une porte
Que ce soit la fin ou le début
Rien aucun absolu
Que de la matière
Rien qui la génère
Oui mais la mort est un grand malheur
Elle nous fait à tous très peur
Surtout quand aucune espérance
Ne peut lui donner une signifiance
Alors y a t-il ou non une vie après
Il y a et il n'y a pas sont vrais
Si tu les sépares
Alors tu les compares
Mais si tu les ressens
En même temps
En acceptant leurs différences
Donc dans le silence
Tu te sens réel
Ni mortel ni éternel
Au moment de disparaître
Tu seras simplement conscient d'être
(Avertissement : L'auteur tient à préciser que le langage qu'il prête aux personnages s'exprimant par le moyen des poèmes ci-dessous, ne reflète pas nécessairement ses propres opinions. En particulier, certains de ces textes ont été écrits sur un mode satirique ou caricatural que, pour une juste lecture, il convient de ne pas oublier ou minimiser.)
DIFFÉRENT
Oui je sais je viens d’ailleurs
Et je sais que ce qui vous fait peur
Ce n’est pas ma prétendue violence
Mais c’est ma réelle différence
C’est vrai que ce que vous êtes aujourd’hui
Vous l’avez bravement conquis
Et alors ma seule présence
A pour vous une odeur de décadence
Mais je ne viens pas pour vous tuer
Mais je ne viens pas pour vous voler
Je viens pour changer de paysage
Je viens pour changer d’âge
Ce qui vous appartient
Est pour vous le plus sacré des liens
Mais celui qui n’a pas d’attache
Faut-il qu’au visage on lui crache
Toutes ces idées
Que vous avez capitalisées
Et dont vous vous croyez propriétaires
Que vous soyez nantis ou prolétaires
Mais je ne viens pas pour vous tuer
Mais je ne viens pas pour vous voler
Je viens pour changer d’éclairage
Je viens pour changer de personnage
Toutes ces idées plus que de vos nombreux biens
Vous lient le cœur et les mains
Vos plus précieuses croyances
Sont celles qui vous font croire à votre importance
Il est vrai que lorsque je squatte votre maison
Vous me donnez parfois raison
À condition que ce ne soit pas la vôtre
Mais celle d’un autre
Mais je ne viens pas pour vous aimer
Mais je ne viens pas pour vous détester
Je viens pour changer de voisinage
Je viens pour changer de rivage
Au chaud dans votre confort
Vous ne pensez jamais à la mort
L’enfant qui meurt dans la froideur crépusculaire
N’est pour vous qu’un risque identitaire
En repoussant les exilés
C’est votre monde que vous rétrécissez
Et ce qui n’est pas transformable
N’est que par la violence périssable
Mais je ne viens pas pour vous aimer
Mais je ne viens pas pour vous ressembler
Je viens pour changer de village
Je viens pour changer d’ancrage
N’avez-vous donc pas compris
Que nous ne sommes pas vos ennemis
Que ce sont les frontières
Qui entretiennent la guerre
Ce pour quoi vous avez combattu
Ce pour quoi vous vous êtes défendus
Ce qui est écrit dans vos livres
Ce qui vous a permis de survivre
Mais je ne viens pas pour vous imiter
Mais je ne viens pas pour vous diminuer
Je viens pour tourner une page
Je viens pour changer d'héritage
La liberté et l’égalité
Ne sont-elles pas pour toute l’humanité
Quelles que soient les personnes
Ou ne sont-elles que des idées bouffonnes
Si de vous je suis différent
J’ai les mêmes droits cependant
Ce sont ceux de tous ceux qui pensent
Et cela ne se limite pas à la France
Mais je ne viens pas pour être aimé
Je ne viens pas pour vous voler
Je viens pour changer de paysage
Je viens pour changer d’âge
LAMPEDUSA
J’étais sans projet sans illusion
Quand je montais dans cette embarcation
Mes frères se couvraient de voiles
Et moi je me sentais déjà très pâle
Je m’étais placé devant
Au premier rang
Loin devant les femmes
À genoux je priais Dieu pour mon âme
Malilo face à la pluie et au vent
L’âme en bandoulière
Tu ne crains pas les frontières
Tu es un fier combattant
Pendant longtemps j’ai cru
Qu’il m’avait entendu
Car tout était tranquille
Tout semblait facile
Mais au premier coup de vent
J’ai senti le destin prendre son élan
J’aurais voulu avoir des ailes
Pour éviter cette catastrophe si peu naturelle
Malilo face à la pluie et au vent
Tu ne crains pas la foudre
Avec elle tu veux en découdre
Tu es un vrai gagnant
Mais il était trop tard
Le ciel était déjà noir
Et comme une vieille coque
Qui sous la pression se disloque
La barque tout de suite a pris l’eau
Elle est devenue tonneau
Mais malgré le poids extrême
Elle flottait quand même
Malilo tu es un grand marin
Tu vas faire le tour du monde
Car tu navigues toujours en eau profonde
C’est à toi que conduisent tous les chemins
Alors nous avons tous sauté
Ceux qui ne savaient pas nager
Collés aux autres comme des coquillages
Tous sur le même rocher depuis leur plus jeune âge
Ensuite il y a eu comme un sommeil profond
J’ai rêvé que j’étais devant une prison
Avec mes frères comme moi des hommes
On voulait qu’ils se nomment
Malilo tu es un grand libérateur
Car malgré toi tout tu oses
Et au malheur tu t’opposes
En donnant de toi le meilleur
Mais aux questions ils ne répondaient pas
Ils disaient qu’ils avaient faim et froid
Alors ils nous ont fait entrer dans la bâtisse
Nous ont mis nus et fouillé nos orifices
Je me sentais triste et honteux
Mais c’était pour eux
La violence n’est dégradante
Que pour ceux qu’elle contente
Malilo face au vent et au destin
Tu files droit vers l’orage
Sans te soucier des noirs nuages
Tu as perdu tous tes liens
Ce n’est pas leurs rires qui m’ont blessé
Ni qu’avec un jet ils nous aient lavés
Mais c’est qu’avec leur médecine
Ils prétendaient nous faire avouer notre origine
Si je ne veux plus savoir d’où je viens
Si un autre le découvre je ne serai plus un clandestin
Il me donnera mon passé en héritage
Et me renverra bientôt à mon village
Malilo étranger venu d’ailleurs
Rien ne résiste à ta puissance
C’est d’une céleste persévérance
Dont tu n’es que le transporteur
Mais je vous le dis que je ne viens de nulle part
C’est tout à fait par hasard
Que j’ai échoué sur cette île
Et je ne veux surtout pas en faire mon domicile
Non je veux aller beaucoup plus loin
Ce n’est pas ici que s’arrête mon chemin
C’est sans la moindre haine
Que mon désir est celui d’une terre lointaine
Malilo tu es le plus grand des champions
Car même à la dérive
Tu finis par trouver la meilleure des rives
Celle de la transformation
Non c’est vrai que je n’ai pas de plan
Simplement je suis le courant
À chaque jour suffit son aventure
À chaque homme suffit sa figure
Moi je n’en ai plus
Pour moi aussi désormais je suis un inconnu
Et ce qui à mes yeux me légitime
C’est d’être parmi d’autres un anonyme
Malilo tu sais où tu vas
Car tu n’as pas de demeure
C’est toujours ta dernière heure
Ton ici est toujours là-bas
Mais vous voulez me faire rebrousser chemin
Mais de moi croyez-moi je ne sais plus rien
Et même si vous me faites violence
Je garderai le silence
Car il n’y a pas plus fort
Que celui qui est déjà mort
Ayant oublié mon lieu de naissance
Je n’ai plus d’existence
Malilo Malila tu va toujours plus loin
Comme un profond mystère
Tu envahis toute la terre
De nous il ne restera bientôt plus rien
Hier j’ai plongé dans le néant
Et aujourd’hui je suis renaissant
Hier j’étais dans l’abîme
Demain je serai grandissime
C’est face à vous que désormais je vis
Pas parce que vous êtes mon ennemi
Mais parce qu’en me donnant la chasse
Vous m’obligez à agrandir mon espace
Malilo Malila quoi qu’il arrive tu restes confiant
Qu’il vente ou qu’il pleuve
Tu es comme le grand fleuve
Qui lentement et sûrement descend vers l’océan
Chaque fois que vous m’enfermez
Vous me faites encore plus vous intégrer
Croyant me chasser de votre monde
Vous en rendez ma participation encore plus profonde
M’ayant à la frontière reconduit
Vous me retrouvez pourtant ici
Vous croyez m’éloigner par la distance
Pour affirmer votre différence
Malilo Malila tu seras toujours un étranger pour toi
Ta quête sera toujours éternelle
Toujours à l’identique rebelle
Contestant partout la foi et la loi
Mais les différences constituent le tout
Et c’est ce que nous sommes moi et vous
Il n’y a pas de mystère
C’est clair comme de la lumière
Vous êtes de nous plein
De vous nous sommes le chemin
Par nous vous faites l’expérience
De votre véritable essence
Malilo Malila chaque jour tu es différent
Sans cesse tu nous rappelles notre véritable origine
Qui n’est pas celle qui nous détermine
Mais qui est celle qui est là-bas devant
AU BOUT DE LA NUIT
Au loin j’entends crier les chiens
Je cours sur les chemins
Le long des clôtures
Dans la nuit obscure
Ma blessure me fait de plus en plus mal
Et il fait un froid glacial
Je voudrais bien me rendre
Mais ils vont vouloir tout comprendre
Pas parce que je suis un beur
Mais parce que je suis un voleur
Il n’y a jamais trop de remèdes
Pour guérir celui qui les dépossède
Serre les dents Ali
Ne te laisse pas con-descendre
Ah ici tu n’as pas d’amis Ali
Mais tu as du cœur à en revendre
Ils ne sont pas meilleurs que moi
Mais eux c’est ce qu’ils croient
Je sens le sang qui dans mon dos coule
J’ai l’impression que ça me saoule
Mais je n’arrête plus de courir
Plutôt trois fois mourir
Que de retomber entre leurs pattes
Et qu’ils me traitent comme un psychopathe
Ils m’amèneraient chez un médecin
Après m’avoir attaché les mains
De leur gentillesse
Je m’en bats les fesses
Serre les dents Ali
Ne te laisse pas con- descendre
Ah ici tu n’as pas d’amis Ali
Mais tu as du cœur à en revendre
Je préfère être leur ennemi
Que de leur paraître soumis
Je préfère mon vagabondage
À leur marchandage
Je préfère mes trafics
À leur service public
Mais je me suis engagé dans une impasse
Je dois leur faire face
Je sors mon couteau
Ça ne va pas être beau
Je hais ces visages
Je vais faire un carnage
Serre les dents Ali
Ne te laisse pas con- descendre
Ah ici tu n’as pas d’amis Ali
Mais tu as du cœur à en revendre
Mais je n’entends plus rien
Se seraient-ils trompés de chemin
Je sens comme une ivresse
Je tombe de faiblesse
J’entends des cris autour de moi
Toute une foule s’occupe de moi
Ils ont retrouvé ma piste
Et c’est en vain que je résiste
Mais ils n’ont pas vu mon coutelas
Je l’ai caché sous mon bras
C’est au fond de l’ambulance
Que viendra ma délivrance
Serre les dents Ali
Ne te laisse pas con- descendre
Ah ici tu n’as pas d’amis Ali
Mais tu as du cœur à en revendre
ENFANTS D'ISRAËL
Vous les enfants assassinés d’Israël
Vous n’êtes pas morts dans un grand hôtel
Pour vous pas de première classe
Vous avez été pris comme des poissons dans une nasse
Brillants en surface ou sombres dans les bas-fonds
Vous avez tous été entassés dans le même wagon
Banquiers patrons ou prolétaires
Enfants bébés adultes pères et mères
Le destin vous a tous faits égaux
Pas besoin de le justifier avec des mots
La souffrance est très démocratique
Quand elle n’est plus que statistique
Mais moi je vous ai vus entrer tremblants
Et je n’ai entendu ni cris ni gémissements
Vous étiez de ceux qui jamais ne se battent
Et se laissent lentement abattre
J’ai vu des yeux qui saignaient
De ne pas pouvoir pleurer
Et sur la blancheur de l’innocence
S’abattre une hideuse violence
Ce n’était ni animal ni humain
Ce n’était ni le mal ni le bien
C’était mécanique
C’était arithmétique
Vous vous souteniez avec une douce discrétion
Pour ne pas faire de la provocation
Afin de préserver votre espérance
Malgré votre totale impuissance
Et c’est vrai que malgré les trahisons
Il n’y a pas eu de désunion
Vous vous accrochiez à la divine parole
À l’image de l’agneau que Dieu immole
Il vous arrivait même de chanter
Et votre ferveur me bouleversait
Ces accents si charnels dans la dernière prière
Étaient pour moi un vrai mystère
Moi je ne croyais pas en Dieu
Mais il y avait quelque chose dans vos yeux
Qui était sur mon cœur comme une insoutenable brûlure
Qui transperçait ma coutumière armure
C’était comme au plus profond de la nuit
Une folle flamme qui luit
Et elle éclairait les visages
Les élevait au-dessus du noir paysage
Les corps sont tombés par milliers
Mais les voix sont restées
Elles me reviennent sans cesse à la mémoire
Comme des lointains chants incantatoires
PLUS JAMAIS ÇA
Pouvez-vous comprendre cela
Plus jamais ça
Pour ceux qui ont aujourd’hui une belle existence
Il n’est pas facile de comprendre notre inguérissable souffrance
Oui bien sûr vous pouvez la penser
Peut-être même l’imaginer
Mais ressentir les plus atroces blessures
Et hurler sous la torture
Ce n’est pas un brillant discours
Sur la haine et sur l’amour
Quand vous ne pouvez plus être dans le paraître
Parce que vous devenez à vous-même le traître
Que vous êtes prêts à faire le chien
Pour qu’on ne mutile plus les siens
Que deviennent donc votre belle tolérance
Et votre admirable intelligence
Alors il ne reste que ça
Plus jamais ça
Ne plus jamais être fragile
Ne plus jamais être docile
Et même au risque de paraître fou
Rendre plus que coup pour coup
Et que le monde autour de nous saigne
Pour qu’enfin il nous craigne
Le temps de la soumission est passé
Le martyre nous a légitimés
Comme le peuple de l’espérance
Le peuple de la transcendance
Nous conformant à l’enseignement divin
Nous assumons aujourd’hui notre destin
Nous sommes installés sur nos traces
Nous avons retrouvé notre espace
C’est celui qui nous était promis
Cela était depuis toujours écrit
Nous irons vers toujours plus d’abondance
Et en assurerons contre tous la défense
C’était écrit plus rien ne nous arrêtera
Nous avons été choisis pour montrer la voie
Celle de la lumière éternelle
Celle de la vérité la plus essentielle
Nous sommes l’instrument de Dieu
Pour accomplir tous ses vœux
Nous serons sans indulgence
Pour ceux qui emploient contre nous la violence
Plus jamais ça
Nous ne serons plus jamais des parias
Mais honorant enfin notre noblesse
Nous accomplirons tous ensemble la grande promesse
NOSTALGIE
Je ne retrouve plus la frontière
Je voudrais pouvoir revenir en arrière
Mais je me suis perdu dans ce pays
Battu par le vent et noyé par la pluie
Ce triste paysage
N’est pas celui de mon plus jeune âge
J’ai des souvenirs radieux
De rires et de baisers de feu
Pas de chaleur maternelle
Pas de vols d’hirondelle
Mais dans un ciel transparent
Les rayons d’un astre brûlant
Heureusement il y a la caresse
Du souvenir de ma jeunesse
Elle n’a pas vraiment disparu
Puisque j’en suis encore ému
Je me souviens de la fraîcheur de l’aurore
Mêlée aux doux parfums de la flore
Et une main dans ma main
Me promenant par les chemins
Des routes indécises
Comme toujours en crise
On ne peut en faire un dessin
Car on n’en est pas assez lointain
Et l’ombre qui doucement me couvre
Quand une porte soudain s’ouvre
Je me sens comblé
De plonger dans l’obscurité
Heureusement il y a la caresse
Du souvenir de ma jeunesse
Elle n’a pas vraiment disparu
Puisque j’en suis encore ému
Mais ce n’est pas une cage
Ce n’est qu’un frais passage
Le temps de quelques paroles
Une haleine qui me frôle
Et je retrouve la lumière
Encore plus belle encore plus claire
Et voilà soudain que je cours
Je me sens rempli d’amour
Je cours et je chante
Tout ici m’enchante
Les yeux sont noirs et brillants
Ils reflètent la chaleur de notre sang
Heureusement il y a la caresse
Du souvenir de ma jeunesse
Elle n’a pas vraiment disparu
Puisque j’en suis encore ému
La vie ici est comme une caravane
Le soleil lentement la tanne
Mais elle continue son chemin
Sans craindre la soif et la faim
Elle ne craint pas les violents orages
Ni du sable les épais nuages
Car les tempêtes et les éclairs
Cela fait partie du désert
Le temps ici est toujours en fuite
Et l’espace n’a pas de limites
C’est pourquoi nous ne comptons pas
C’est ainsi que s’exprime notre joie
Heureusement il y a la caresse
Du souvenir de ma jeunesse
Elle n’a pas vraiment disparu
Puisque j’en suis encore ému
Notre joie est sans mesure
Et jamais tout à fait sûre
C’est comme de magnifiques explosions
Devant des spectateurs sans protection
Le danger nous tourne la tête
C’est lui qui enflamme nos fêtes
Nous l’affrontons sans peur
Même si certains en meurent
Mais aujourd’hui là où j’habite
Il n’y a que des limites
Des rues des immeubles partout des murs
Et les gens avec moi sont durs
Heureusement il y a la caresse
Du souvenir de ma jeunesse
Elle n’a pas vraiment disparu
Puisque j’en suis encore ému
Ici les gens n’aiment ni l’espace ni le silence
Ils ne sont pas capables de transcendance
Pas de méditation pas de passion
Ils sont interdits de paix et d’émotion
Parce qu’ils vivent à la verticale
Sans jamais de perspective horizontale
Ils se sentent à moi supérieurs
Ils ne m’ouvrent jamais leur coeur
C’est comme une dernière grâce
D’avoir conservé en moi cette vieille trace
Quand j’aurai perdu même les souvenirs
Il ne me restera plus qu’à mourir
Heureusement il y a la caresse
Du souvenir de ma jeunesse
Elle n’a pas vraiment disparu
Puisque j’en suis encore ému
Car ce n’est pas une existence
De vivre sans un sentiment d’appartenance
J’appartiens à un passé
Que d’autres que moi ont aussi aimé
Et d’autres encore sont en train de le vivre
C’est une pensée qui me délivre
Elle me délivre de ces durs liens
Qui me faisaient croire que je n’étais rien
De l’horizon la vastitude
Me sort de la solitude
C'est ici chez moi
Que je rêve de là-bas
Heureusement il y a la caresse
Du souvenir de ma jeunesse
Elle n’a pas vraiment disparu
Puisque j’en suis encore ému
LA NÉGRESSE
Oui c'est vrai quand on a voulu m’expulser
Vous m'avez manifesté de la reconnaissance
Je ne me suis pas sentie abandonnée
Vous avez été nombreux à prendre ma défense
Il y a eu des pétitions des manifestations
Des discours des réunions des messages
Et je me sentais touchée par votre considération
Je me sentais entourée dans ce mauvais passage
Pourtant je n'ai pas pu vous dire merci
Et certains m'ont reproché mon ingratitude
Quelques-uns ont même de moi médit
Ils ont dit que c'était une honteuse attitude
Oui c'est vrai quand on a voulu m’expulser
Vous m'avez manifesté de la reconnaissance
Je ne me suis pas sentie abandonnée
Vous avez été nombreux à prendre ma défense
Mais c'était malgré moi je n'y pouvais rien
Je ressentais de la tristesse
Alors que j'aurais dû être pleine d'entrain
Je ressentais presque de la détresse
Je ne savais trop pourquoi
Je me disais que j'étais peut-être trop fière
Pour apprécier qu'on ait fait exception à la loi
Pour une personne très ordinaire
Oui c'est vrai quand on a voulu m’expulser
Vous m'avez manifesté de la reconnaissance
Je ne me suis pas sentie abandonnée
Vous avez été nombreux à prendre ma défense
Mais en vérité mon profil n'est pas si commun
Je suis née de noble origine
Pas fille de roi mais d'un peuple magicien
Qui mêle sorcellerie et médecine
Car pourquoi donc ai-je ainsi répondu
Cela n'était-il pas une juste réminiscence
Le souvenir soudain d'où je suis venue
Mon auguste lieu de naissance
Oui c'est vrai quand on a voulu m’expulser
Vous m'avez manifesté de la reconnaissance
Je ne me suis pas sentie abandonnée
Vous avez été nombreux à prendre ma défense
C'était sur un haut plateau
Et il y avait beaucoup de monde
Ils n'étaient ni grands ni beaux
Mais leur joie était féconde
Pour eux ce n'était pas un jeu
Quand ils dansaient déjà mon existence
Ouvrant grand les bras vers les cieux
Sans faire pour autant à la terre offense
Oui c'est vrai quand on a voulu m’expulser
Vous m'avez manifesté de la reconnaissance
Je ne me suis pas sentie abandonnée
Vous avez été nombreux à prendre ma défense
Ils frappaient la terre de leurs pieds
Et il en sortait comme un nuage
Un nuage blanc transparent et léger
Qui dessinait dans le ciel comme un message
Il annonçait un événement glorieux
Accompagné de chants incantatoires
Sur des rythmes fougueux
Le début de mon histoire
Oui c'est vrai quand on a voulu m’expulser
Vous m'avez manifesté de la reconnaissance
Je ne me suis pas sentie abandonnée
Vous avez été nombreux à prendre ma défense
Et j'ai senti en moi la vie
Comme la source prodigieuse
De tous mes désirs de tous mes appétits
Comme une bienfaitrice généreuse
Dès en naissant j'avais tous les droits
C'est pourquoi je n'ai pas ressenti de reconnaissance
On n'a fait que me rendre ce qui était à moi
On me l'avait pris sans que j'en prenne conscience
Oui c'est vrai quand on a voulu m’expulser
Vous m'avez manifesté de la reconnaissance
Je ne me suis pas sentie abandonnée
Vous avez été nombreux à prendre ma défense
Vous m’avez dit que sur terre tous les humains sont
égaux
Et vous me l’avez expliqué avec vos mots
Mais moi je ne me suis pas sentie votre égale
Je n’étais pas assez pâle
Aujourd'hui je sais pourquoi on voulait que je reste ici
C'est parce que je possède un titre de noblesse
Qui a lui seul dit l'immensité de ce que je suis
Il est comme un cri qui jamais ne finit
La Négresse
Oui c'est vrai quand on a voulu m’expulser
Vous m'avez manifesté de la reconnaissance
Je ne me suis pas sentie abandonnée
Vous avez été nombreux à prendre ma défense
MARAUDEURS
Être sacré le meilleur des voleurs
Serait pour moi le plus grand des honneurs
Pourtant je ne vole pas des fortunes
Seulement des choses très communes
Je le fais le plus souvent la nuit
Sans faire le moindre bruit
À aucune porte je ne sonne
Ainsi je ne dérange personne
C’est pour mieux respecter de chacun le sommeil
Que je suis de mes parents les conseils
Ne prends que ce qui ne les empêchera pas de vivre
Ainsi ils n’auront pas le temps de te poursuivre
Et n’oublie pas de remercier Dieu
C’est lui qui te fait changer si souvent de lieu
Quand la demeure est mobile
Alors le coeur est tranquille
Tu n’es pas fait pour t’attacher
Tu es fait pour aimer
Tu es fait pour le voyage
Pas pour être enfermé dans une cage
Le plus grand des bonheurs
C’est d’être en famille des rôdeurs
Ici il n’y a rien à dire
À celui qui ne sait pas lire
Mais nous lisons dans leurs mains
De quoi sera fait leur destin
Pas besoin d’être un apôtre
Pour savoir qu’il ne sera pas meilleur que le nôtre
Assises sur les trottoirs
Du matin jusqu’au soir
Ils prennent nos femmes pour des débiles
Avec leurs faux airs serviles
Certains veulent nous aider
Ils prétendent nous écouter
Peut-être même nous comprendre
Mais ils ne peuvent pas nous entendre
Car nous ne leur disons pas tout
Ce que nous leur disons est plein de trous
Nous nous moquons de leurs interrogatoires
En racontant toujours les mêmes histoires
Beaucoup ressentent de la répulsion
Ils souhaitent notre expulsion
Ils nous accusent de pillage
Et de lamentables saccages
Ils nous accusent d’être des vauriens
De vivre comme des chiens
Ils sortent même leurs fusils de chasse
Avec lesquels ils nous menacent
Mais moi quand je m’introduis dans votre maison
Je ne trouve pas qu’elle ne sent pas bon
Je lui trouve même beaucoup de charmes
Et c’est pourquoi j’y entre toujours sans armes
Je sais que c’est risqué
Car vous vous n’hésiteriez pas à me tuer
Quand vous vous sentez victime
Votre supériorité n’’est jamais aussi légitime
C’est pourquoi je suis très prudent
Chez vous je rentre invisiblement
Et ce que je laisse comme trace
C’est de vous avoir fait plus d’espace
Je ne fais que changer de propriété
À des meubles des ustensiles des objets
Vous vous le vivez comme une grave injustice
Mais en réalité ce n’est même pas un préjudice
Ce n’est qu’une simple redistribution
À la marge votre généreuse contribution
Mais vous contre nous vous voulez entrer en guerre
Ou nous envoyer vos meilleurs missionnaires
Vous voulez soit nous détruire soit nous convertir
Mais surtout pas nous accueillir
Ce peuple qui jamais ne travaille
Et que vous appelez la racaille
Pourtant en vous allégeant de vos biens
Nous vous faisons un environnement plus sain
Pour que pure reste l’élite
Il lui faut des parasites
Nous vous nettoyons que du superflu
Afin que vous ne soyez pas corrompus
C’est à nous que revient la tâche
De vous préserver de basses attaches
Après le passage des gueux
Vous vous sentez plus valeureux
C’est quand on frôle la misère
Que l’on se sent le plus prospère
On ne peut rien donner aux voleurs
Sans leur provoquer un haut-le-coeur
Mais d’une juste intolérance
Ils vous remercient d’avance
LA QUÊTE (1 extrait)
Des enfants perdus en guenilles
Couchés ou assis sur le chemin
Tendent vers moi leurs mains
Leurs grands yeux fiévreux brillent
Leurs bouches tremblantes me questionnent
Je ressens pour eux de la pitié
Je ne voudrais pas leur faire la charité
Je voudrais qu’ils deviennent des hommes
Mais il faut répondre à l’urgence
Car la faim n’a qu’une loi
Celle qui ne laisse qu’un choix
La mort ou la survivance
Face à cette extrême faiblesse
A ces tout petits corps
Qui constituent ici un simple décor
Je ressens de la détresse
Des enfants perdus en guenilles
Couchés ou assis sur le chemin
Tendent vers moi leurs mains
Leurs grands yeux fiévreux brillent
Je ne parviens pas à garder la distance
J’ai beau me dire sans cesse que je ne suis pas eux
Que je suis un homme riche et heureux
Je ressens leur extrême souffrance
[...]
AU SECOURS ON M’A VOLÉ MA CARTE BANCAIRE
Au secours on m’a volé ma carte bancaire
Au secours on m’a volé six-cent euros
Je suis dans une extrême colère
Je ne me pardonnerai jamais d’avoir été aussi sot
Mais j’ai crié avec tant de violence
Que la foule alertée a encerclé les voleurs
Ce sont deux jeunes au regard plein d’insolence
Deux étrangers qui se débattent avec ardeur
Mais la police arrive déjà et elle les menotte
Au poste ils ont l’air perdus
La fille presque sanglote
Le garçon paraît très ému
Au secours on m’a volé ma carte bancaire
Au secours on m’a volé six-cent euros
Mais je ne me suis pas laissé faire
Et maintenant je suis penaud
Je ne sais plus que faire
Il y a eu plusieurs témoins
Impossible de revenir en arrière
Je ne me sens pas bien
Les policiers sans douceur les questionnent
Mais ils ne répondent pas
Il semblerait que la peur les bâillonne
À moins que simplement ils ne comprennent pas
Au secours on m’a volé ma carte bancaire
Au secours on m’a volé six-cent euros
C’est la faute à la misère
Je ne me sens vraiment pas beau
Ils ne comprennent pas notre langage
Mais pour les policiers ce ne sont pas des nouveaux
Ils me montrent des photos de leurs visages
Ça leur fait des têtes de salauds
C’est plus que de la récidive
C’est leur gagne-pain quotidien
C’est ainsi qu’ils survivent
En volant leur prochain
Au secours on m’a volé ma carte bancaire
Au secours on a volé six-cent euros
Je suis dans une extrême colère
Je ne me pardonnerai jamais d’avoir été aussi idiot
Ils ont la grâce des êtres sauvages
Et aussi leur cruauté
Je ne parviens à faire le partage
Je voudrais pouvoir m’en aller
Quand même ce ne sont pas des voleurs de pomme
Les policiers les ont fouillés
Et ils sont en train de compter la somme
Il y en a bien moins que ce qu’ils m’ont dérobé
Au secours on m’a volé ma carte bancaire
Au secours on m’a volé six-cent euros
Je suis dans une extrême colère
Je ne me pardonnerai jamais d’avoir été aussi ballot
Ils devaient avoir des complices
Je ne peux plus retenir mon indignation
Trop grave est mon préjudice
Je suis pour la plus sévère punition
Sinon il n’y aurait plus de justice
Il faut dissuader ces voyous
De s’adonner à nouveau à leur vice
Leur en inculquer pour toujours le dégoût
Au secours on m’a volé ma carte bancaire
Au secours on m’a volé six-cent euros
Il faut leur donner une leçon exemplaire
Jusqu’à leur blanchir la peau
Cela m’apaise un peu d’imaginer leur souffrance
S’ils ne peuvent me rembourser
Ils méritent ma vengeance
Et même j’en rajouterai
Je dirai qu’ils avaient une arme blanche
Qu’ils en ont posé la lame sur mon cou
En me menaçant de me couper en tranches
Et qu’ils m’ont donné de mauvais coups
Au secours on m’a volé ma carte bancaire
Au secours on m’a volé six-cent euros
Je suis dans une extrême colère
Et violents vont être mes mots
Cela aggravera leur peine
Ah ah ils ne sont pas près de s’en sortir
Grâce à ma juste haine
En prison ils vont longtemps croupir
C’est ce que cette engeance mérite
On ne peut pas se laisser dépouiller
Par ces impitoyables parasites
La propriété c’est la sécurité
Au secours on m’a volé ma carte bancaire
Au secours on m’a volé six-cent euros
Ma colère est meurtrière
Je ne ferai pas de cadeau
Ah ils ont retrouvé ma carte bancaire
Et même mon argent
Cela fait tomber ma colère
Je suis trop content
Je ne me sens plus être une victime
Alors je redeviens tolérant
Je ne veux plus qu’on les réprime
Mais qu’on leur donne du temps
Au secours on m’a volé ma carte bancaire
Au secours on m’a volé six-cent euros
Mais ce n’était qu’une contrariété très secondaire
À côté des mille autres problèmes sociaux
Qu’on leur donne du temps pour apprendre
Du temps pour évoluer
Il faut essayer de les comprendre
Avant de tout de suite les condamner
Mais bon dieu voilà qu’ils s’échappent
Ils partent avec mon bien
Vite il faut qu’on les rattrape
Et qu’on leur rattache les mains
Au secours on m’a volé ma carte bancaire
Au secours on m’a volé six-cent euros
Qu’on les ramène sur une civière
Je veux être leur bourreau
Mais qui donc a pris cette folle initiative
De défaire les liens
De personnes aussi agressives
Ça n’est pas très malin
Je me sens plein de colère et de haine
Je me suis fait avoir
Ils ne méritent pas qu’on les comprenne
Il ne faut pas se laisser par eux émouvoir
Au secours on m’a volé ma carte bancaire
Au secours on m’a volé six-cent euros
Il ne faut pas les laisser faire
Il faut leur donner mille cent coups de sabot
Mais ça y est les policiers les ramènent
J’espère qu’ils ont l’argent sur eux
Sinon ils connaîtront les effets de ma haine
Je leur arracherai le cœur et les yeux
Enfin je me sens à nouveau prospère
On me rend mon argent
Et ma carte bancaire
Je me sens à nouveau très grand
Deux jeunes m’avaient volé ma carte bancaire
Deux étrangers m’avaient volé six-cent euros
Mais je ne suis plus en colère
Ce soir au casino je serai encore le héros
BONNE PRISON
Enfermé entre quatre murs
De plus en plus je deviens dur
La douceur la gentillesse
C’est ça qui le plus m’agresse
Je suis dans le noir
Je ne suis pas bavard
Je ne regarde pas le temps qui passe
Ici je laisserai ma trace
Je la dessine avec un crayon
Qui est très très long
Long comme un jet de pisse
Profond comme un de mes orifices
Bonne et merveilleuse prison
Sur tes murs j'écris partout mon nom
Tu nous apprends vraiment à vivre
Tu nous apprends le savoir-vivre
On se souviendra de qui j'étais
Je n'étais pas qu'un prisonnier
J'étais quelqu'un à qui on n'adresse pas la parole
Sans respecter tout un protocole
Un homme qui se fait respecter
Sans vouloir être aimé
Des compliments il s'en balance
Il ne recherche pas les récompenses
Bien sûr je voudrais sortir
Bien sûr je voudrais ailleurs m'épanouir
Mais à ma nouvelle vie je me prépare
Je ne rate jamais une bagarre
Bonne et merveilleuse prison
Sur tes murs je me donne à fond
Tu nous apprends vraiment à vivre
Tu nous apprends à survivre
Je ne serai pas pris au dépourvu
Quand je me retrouverai dans la rue
Je saurai me défendre
Car j’aurai du courage à en revendre
Car j’ai tout appris en prison
L’adresse des bonnes maisons
Où l’on peut dissoudre
Et l’argent et la poudre
Et comment parier
Sans jamais risquer
Comment déjouer la protection sécuritaire
Des résidences secondaires
Bonne et merveilleuse prison
Entre tes murs je m'initie à la malversation
Tu nous apprends vraiment à vivre
De notre naïveté tu nous délivres
Comment y entrer la nuit
Et même s’installer dans un lit
Parfois y rejoindre une belle dame
Que mon audace enflamme
Mais le plus gros des péchés
Serait de m’y attacher
Je ne suis pas un propriétaire
Je ne suis pas un sexagénaire
Je vis au jour le jour
Il n’y a qu’ici que je fais de longs séjours
C’est un retour sans voyage
Qui se fait sans bagage
Bonne et merveilleuse prison
Entre tes murs je prépare mon prochain rebond
Tu nous apprends vraiment à revivre
C'est la liberté que gratuitement tu nous livres
Ici je me suis fait plein d’amis
Et je leur dis un grand merci
Car pour celui qui vole
C’est la meilleure des écoles
On se sent quand même moins isolé
Quand on est aussi bien entouré
C’est une véritable assurance
Que d’avoir des connaissances
C’est parce que je ne parle pas beaucoup
Qu’ils peuvent m’indiquer les meilleurs coups
Je ne suis pas de ceux qui donnent
Je préfère qu’on m’emprisonne
Bonne et merveilleuse prison
Entre tes murs les mots n'ont que le son
Tu nous apprends vraiment à vivre
Ici pas besoin de livres
Je reconnais les miens
Je connais mon destin
Je continuerai ma route
Sans le moindre doute
Et j’irai peut-être très loin
Très loin sur ce chemin
De tout je suis capable
Je suis irrécupérable
Bonne et merveilleuse prison
Sur tes murs j'écris partout mon nom
Tu nous apprends vraiment à vivre
Tu nous apprends le savoir-vivre
J’entends des beaux discours
Qui viennent d’une basse-cour
Mais je ne comprends rien à leur caquetage
Ce n’est pas mon langage
Et ils sont tout émus
Quand je leur montre mon cul
Ils le prennent pour un outrage
Alors que c’est mon vrai visage
C’est celui que je ne vois jamais
Même pas par son image reflétée
C’est parce qu’ils en veulent à mon indépendance
Que je leur montre ma plus fausse apparence
Bonne et merveilleuse prison
Sur tes murs j'écris partout mon nom
Tu nous apprends vraiment à vivre
Tu nous apprends le savoir-vivre
Ce sont mes pires ennemis
Ceux qui me traitent comme une brebis
Ce sont les loups de la sociale
Qui veulent m’imposer une vie normale
Ils me prennent pour un fou
Mais je suis un vrai voyou
Je me sens en défense légitime
Quand ils me prennent pour une victime
JE SUIS NOIR
Oui je sais tu ne peux pas me voir
Tellement je suis noir
Tu as presque honte
Quand tu me rencontres
Pour toi je suis presque un zombie
Et tu me fuis
Comme une bête sauvage
Qui se serait enfuie de sa cage
Ainsi tu ne peux m’aborder
Sans être par la peur glacé
Tu gardes la distance
Pour éviter toute interférence
Dans le noir il n’y a rien d’humain
C’est la couleur du malin
Celle de l’inconscience
Tout le contraire de celui qui bien pense
Moi-même je ne sais plus me définir
Et je finis presque par haïr
La sombre image
De mon différent visage
Mon visage dans le miroir
Est loin de ceux que je vois sur les trottoirs
Et quand j’oublie la couleur de ma figure
Il y a toujours quelqu’un pour me rappeler ma nature
Ma peau n’est pas masquée
Rien à faire pour la cacher
À la fin je me résigne
D’être aussi indigne
Et même je joue leur jeu
Je deviens irrespectueux
Je joue le rôle
De celui qui n’est jamais allé à l’école
Heureusement il y a les miens
Nous unissons nos chemins
Nous nous écartons de votre route
Pour effacer ensemble nos doutes
Dans la nuit nous nous reconnaissons
Nous avons tous les yeux ronds
Et le reste est dans la transparence
Sauf le cœur qui bat la même cadence
Bien sûr il y a toujours des renégats
Qui renient ce qui est leur voie
Nous les voyons avec tristesse
Oublier ce qui fait leur noblesse
Ils veulent se faire un visage blanc
Et se croire de nous très différents
En s’enduisant du beau cirage
D’un distingué entourage
Mais on ne peut oublier ainsi son sang
Il leur rappelle quel est leur vrai rang
Il bouillonne soudain sans préliminaire
Et leur rappelle de quoi ils sont originaires
Leur origine est dans le feu qui règne ici
De ce côté ci de la nuit
Du côté du chant et de la danse
Du rythme et de la turbulence
Elle n’est pas du côté du convenu et du renié
Elle est du côté du naturel et du spontané
Elle n’est pas du côté des automates
Elle est du côté de ceux qui s’éclatent
Même si parfois c’est violent
C’est toujours jouissant
Nous sommes faits pour être nous-mêmes
Et tant pis si aucun de vous ne nous aime
BANDE
Les bandes ont envahi les beaux quartiers
Et elles sont en train de tout casser
Sur tout elles font main basse
Partout elles laissent des traces
Elles emportent leur butin
Et personne n'y peut rien
Les forces de police font minables
À côté de ce raz-de-marée formidable
On casse tout
On prend tout
Que voulez-vous y faire
Messieurs les propriétaires
Fermez les yeux
Pour vous ce sera mieux
Ça vous fera moins de peine
De ne pas voir notre haine
Ne nous tournez pas le dos
Et vous nous trouverez beaux
Vous supporterez mieux notre existence
En voyant notre jouissance
On vous fera le meilleur prix
Pour le plus cher des produits
Celui que vous n'avez pas dans vos rayonnages
Et qui s'appelle le courage
Il a un goût de sel et de sang
Celui délicieux des résistants
Nous résistons à la crise
En nous offrant votre marchandise
Faute de nous la donner
On la prend là où elle est
Nous n'avons pas d'états d'âme
Même quand les voitures s'enflamment
On casse tout
On prend tout
Que voulez-vous y faire
Messieurs les propriétaires
Fermez les yeux
Pour vous ce sera mieux
Ça vous fera moins de peine
De ne pas voir notre haine
Ne nous tournez pas le dos
Et vous nous trouverez beaux
Vous supporterez mieux notre existence
En ne voyant que notre apparence
Les larmes dans vos yeux
Ça nous rend très heureux
Nous vous trouvons comiques
D'être aussi mécaniques
Ne vous excusez pas de nous faire jouir
Car c'est un plaisir de vous faire souffrir
C'est plus qu'une vengeance
C'est une interdépendance
Nous ne faisons qu'entretenir l'égalité
Entre la richesse et la pauvreté
C'est un heureux partage
Que de partager les héritages
On casse tout
On prend tout
Que voulez-vous y faire
Messieurs les propriétaires
Fermez les yeux
Pour vous ce sera mieux
Ça vous fera moins de peine
De ne pas voir notre haine
Ne nous tournez pas le dos
Et vous nous trouverez beaux
Vous supporterez mieux notre existence
En participant à notre transe
Celui qui a été par le hasard avantagé
N'est pas vraiment volé
C'est aussi par le hasard qu'on le ponctionne
C'est ainsi que la nature fonctionne
Nous ne faisons que dévoiler
Ce qu'à vous-même vous cachez
Vous distribuez les mauvais rôles
À ceux qui n'ont pas la belle parole
Même ces quelques mots
Vous direz que c'est trop
Si vous ne pouvez appliquer la censure
Vous engagerez des procédures
On casse tout
On prend tout
Que voulez-vous y faire
Messieurs les propriétaires
Fermez les yeux
Pour vous ce sera mieux
Ça vous fera moins de peine
De ne pas voir notre haine
Ne nous tournez pas le dos
Et vous nous trouverez beaux
Vous supporterez mieux notre existence
En voyant comme elle danse
Pour ne pas entendre la vérité
Vous êtes prêts à m'arrêter
Mais si vous me mettez dans une cage
Je diffuserai quand même mon message
Le monde sera comme un immense écho
Ce qui est interdit paraît toujours plus beau
Plus il est indicible
Et plus il paraît crédible
Bientôt de vous il ne restera plus rien
Qu'une sorte de grand magasin
Et dans ce petit espace
Vous vivrez dans l'angoisse
Obsédés par la sécurité
Rien ne pourra vous rassurer
Mais nous vous laisserons toujours le nécessaire
Pour continuer à entretenir notre vie parasitaire
On casse tout
On prend tout
Que voulez-vous y faire
Messieurs les propriétaires
Fermez les yeux
Pour vous ce sera mieux
Ça vous fera moins de peine
De ne pas voir notre haine
Tournez-nous le dos
Et nous vous ferons un cadeau
Vous supporterez mieux notre existence
En sentant en vous notre violence
DIEU AIME NOS LIBÉRATEURS LAÏQUES
Oui, c’est vrai que je crois en Dieu
Même si je ne suis pas très pieux
Mais j’aime aussi les communistes
N’en déplaise à mes amis spiritualistes
J’ai pour eux plus que de la considération
Des peuples opprimés ils ont permis la libération
Eux fournissaient les armes et la logistique
Nous les actions héroïques
Ils ne sont pas morts pour rien
Mais d’eux ils ne restent rien
Sauf des mausolées des sépultures
Et quelques gigantesques sculptures
Nous avons chassé les occupants
Et retrouvé nos rites d’antan
Nous ne sommes pas devenus matérialistes
Et nous ne rejetons pas non plus les capitalistes
Mais nous n’oublions pas
Sans vous on n’en serait pas là
Sans vous nous serions encore des esclaves
À notre liberté on mettrait partout des entraves
Ils ne sont pas morts pour rien
Mais d’eux ils ne restent rien
Sauf les armes et la puissance
Une fausse ressemblance
Bien sûr aujourd’hui ce n’est pas parfait
Nous sommes toujours exploités
Et il faut toujours nous battre
Pour pouvoir de nos droits débattre
Mais sans vous où en serions-nous
Tous les jours je prie mon Dieu pour vous
Vous qui avez fini par disparaître
Sous les coups de vos ennemis et de vos traîtres
Ils ne sont pas morts pour rien
Mais d’eux ils ne restent rien
Sauf de la littérature
Que l’on donne aux étudiants en pâture
Vous qui avez souffert en vain
Pour que l’humanité soit meilleure demain
Ces millions de sacrifices
Qui pour vous n’ont créé que précipice
Celui de l’extrême pauvreté
En échange d’une fausse liberté
Avec en vitrine l’opulence
Maintenue par le mensonge et la violence
Ils ne sont pas morts pour rien
Mais d’eux ils ne restent rien
Sauf quelques chants révolutionnaires
Qui ne sont plus incendiaires
Ce qu’aujourd’hui on met en valeur
Ce sont vos crimes et vos erreurs
La cruauté de vos dignitaires
Et le secteur concentrationnaire
On a oublié de l’esclavage noir le plus grand des camps
On a oublié le travail forcé des femmes et des enfants
On a oublié vos agresseurs féroces que l’on félicite
Votre reconstruction mille fois détruite
Ils ne sont pas morts pour rien
Mais d’eux ils ne restent rien
Sauf des souvenirs et des cimetières
De vieux rêves de prolétaires
On a oublié la noble idée d’une humanité enfin libérée
Cette marche forcenée vers l’égalité
Cet horizon certes lointain mais fidèle
D’une communauté universelle
On a oublié tous les services gratuits
L’école la médecine le travail entre tous réparti
La retraite paisible à un bel âge
Aux hommes et aux femmes les mêmes avantages
Ils ne sont pas morts pour rien
Mais d’eux ils ne restent rien
Sauf des pauvres nostalgiques
Que l’on nourrit de prouesses cosmiques
Aujourd’hui c’est la loi du plus fort
Qui est à tous notre plus commun décor
Et la seule excellence
Serait celle que donne la libre concurrence
C’est la loi de la compétition
Qui fait le bonheur de toutes les religions
Car c’est dans la misère
Que le mieux elles prospèrent
Ils ne sont pas morts pour rien
Mais d’eux ils ne restent rien
Sauf la peur qu’ils reviennent
À nouveau briser les chaînes
La loi de la compétition
C’est celle qui entraînera l’ultime explosion
Il n’y aura plus de trêve
Il ne restera alors de l’homme que ses rêves
Il ne restera que les rêves et les héros
Pas ceux que nous montrent les jeux vidéo
Mais ceux qui étaient prêts à rendre l’âme
Pour sortir l’humanité du drame
Ils ne sont pas morts pour rien
Mais d’eux ils ne restent rien
Sauf leur héroïque histoire
Qu’on veut chasser de nos mémoires
Aujourd’hui je prie pour ces aliens
Qui m’auraient dit que prier ne sert à rien
Pour moi ce n’est pas un signe d’impuissance
C’est l’expression d’une croyance
Le dieu auquel je crois sait reconnaître les siens
Beaucoup d’entre eux étaient des païens
C’étaient des laïques
D’une générosité magnifique
Ils ne sont pas morts pour rien
Mais d’eux il ne reste rien
Sauf de vieux symboles
Qui lentement s’étiolent
LA NOUVELLE LUTTE DES CLASSES
Prolétaires et nantis des grands pays
Nous sommes aujourd'hui tous unis
C'est la nouvelle lutte de classes
Des nations riches contre les lointaines masses
Des peuples miséreux ou travailleurs
Nous sommes tous devenus les exploiteurs
Le monde de la misère
Ce n'est pas notre tasse de bière
Grâce à eux nous avons tout pour pas cher
Pourquoi refuserions-nous ce qui nous est offert
Nous ne sommes pas des anges
Nous profitons du libre échange
Même quand nous le dénonçons
Nous en sommes la meilleure caution
Que nous soyons banquiers ou prolétaires
Nous en sommes tous les heureux bénéficiaires
Prolétaires et nantis des grands pays
Nous sommes aujourd'hui tous unis
C'est la nouvelle lutte de classes
Des nations riches contre les lointaines masses
Oui bien sûr nous sommes les uns aux autres égaux
Mais seulement quand il le faut
À quoi donc servirait un sacrifice
Dont on ne sait même pas qui en tirerait le bénéfice
Le système est bien rodé
Il fonctionne depuis des années
Une distribution plus équitable
Serait à tous gravement préjudiciable
Ne disposant plus de gros consommateurs
Les pays producteurs fabriqueraient des chômeurs
Personne ne tirerait avantage
De ce malheureux raccommodage
Prolétaires et nantis des grands pays
Nous sommes aujourd'hui tous unis
C'est la nouvelle lutte de classes
Des nations riches contre les lointaines masses
Ceux qui veulent chez nous habiter
Ne doivent pas importer leur pauvreté
Chacun doit boire à sa source
Et respecter l'équilibre des ressources
À quoi bon mettre en danger l'avenir de nos enfants
Pour des gens dont on connaît le côté indolent
Ils viennent ici pas parce qu'ils nous aiment
Mais pour la protection de nos systèmes
Les parasites finissent par épuiser
Celui qui ne sait pas les éloigner
Restons fidèles à notre doctrine
Et rejetons au loin la vermine
Prolétaires et nantis des grands pays
Nous sommes aujourd'hui tous unis
C'est la nouvelle lutte de classes
Des nations riches contre les lointaines masses
Exploiter avec lucidité les travailleurs d'ailleurs
Ne pas se laisser envahir par les profiteurs
Dominer le tiers monde par la puissance monétaire
Et renforcer sans cesse les contrôles aux frontières
Tel est le nouveau credo des peuples d'Occident
Tous unis dans un magnifique élan
Dans la gestion économique
Et une politique antiseptique
C’est le nouveau programme commun
Qui nous unit tous la main dans la main
C’est la nouvelle et sainte alliance
Qui nous prépare à notre future impotence
Prolétaires et nantis des grands pays
Nous sommes aujourd'hui tous unis
C'est la nouvelle lutte de classes
Des nations riches contre les lointaines masses
POÈMES DE MON NOUVEL ÂGE (extraits)
1998, nouvelle édition (Edmond Chemin) décembre 2016
L’ÂME QUOTIDIENNE
Laissons nos coeurs s’ouvrir à la vie
Laissons nos corps s’unir à la mort
Laissons nos bateaux faire naufrage dans leurs ports
Il n y a pas de vérité Maître
Je tremble
Suis-je un traître
Naviguer en eau profonde
Ne me suffit donc plus
Il y a l’appel sourd
Des étoiles nouvelles qui clignotent
Loin dans un intérieur obscur
Il y a l’appel que je n’entends pas encore
Des racines
Des odeurs
De la pulpe fraîche
Des jours de lumière
Là où ma peau épouse étroitement ma faiblesse
Et elle illumine mes yeux clairs
Mon ciel ne peut être toujours le plus haut
J’ai besoin de l’humilité de la terre
Que mon âme enfin soit plus lourde
Que mon corps
Qu’elle se nourrisse de choses simples
Comme une graine jadis enfouie
Et qui a pourri
Elle germe soudain
La fleur magique du pardon
Naît du ferment
Elle s’épanouit lentement
Elle se nourrit à la souffrance secrète
Laissons nos coeurs s’ouvrir à la vie
Laissons nos corps s’unir à la mort
Laissons nos bateaux faire naufrage dans leurs ports
VIE POSTERIEURE
Longtemps j'errais comme un chien perdu
Dans les quartiers sales
D'une ville inconnue
On me donnait un peu à manger
Mais je devais souvent attendre la nuit
Pour guetter le moment sublime
Où les gens s'abandonnent à leur fatigue
Et enfin à leurs rêves
Mon rêve commençait au coin du premier caniveau
Je pouvais commencer ma quête
Je rencontrais parfois quelques noctambules un peu gris
Qui me lançaient quelques pièces
En échange je leur donnais un peu de poésie
J'allais voir une petite prostituée
Au regard très doux
Et aux longues cuisses nues provocantes
J'étais un moment partagé
Et vite c'était la tendresse qui l'emportait
Je finissais par lui baiser les pieds
Pour moi c'était vraiment la sainte du quartier
Bien sûr il y avait les rats
Ils grouillaient dans les rues
Surtout dans la journée
Quand personne ne les voyait
Ils ne s'aimaient pas entre eux
Moi je les aimais
Mais ils ne le savaient pas
Ils me prenaient pour un chat
Peut-être à cause de mon dos
Qui à l'époque était plutôt gros
D'elle ils se moquaient
Ou ils l'évitaient honteusement
Quelques-uns l'exploitaient
C'était toujours très négocié
Et je ne m'en mêlais pas
Sauf une fois
Où je lui dis que je l'aimais
Ce qui n'a pas de prix
Et ça ça la gênait
Mais ma quête reprenait son cours
J'allais toujours plus loin sur ce chemin
Qui descendait descendait sans cesse
Un peu plus chaque jour
Mais je n'arrivais pas à sombrer vraiment
Toujours quelque chose me retenait
J'étais à la fois touriste et mendiant
A la fois humble et distant
Je ne craignais pas d'être sali
Les bactéries étaient mes amies
Je leur disais toujours merci
VÉRITÉ
La vérité
Ma vérité
Est mon espoir
La vérité est toute une histoire
L'histoire de ma vie passée
Et ce que je veux dépasser
L'histoire de mes rencontres
Avec ces femmes au regard si doux
Et si braves en même temps
Que je ne pouvais m'empêcher
De les aimer
Comme j'aime à présent contempler
Les petites barques des marins du dimanche
S'élancer bravement vers l'océan immense
Et disparaître bientôt à l'horizon
Si frêles d'apparence
Elles reviennent le soir
Pleines et sereines
Dans la lumière d'argent de l'automne naissant
Elles me donnent envie d'y dormir la nuit
Bercé par le lent mouvement des vagues mourantes
Mais en réalité les pêcheurs
Les laissent sur la grève
Et moi en cachette
Je vais dans le noir leur dire mes pensées secrètes
Et en touchant timidement le bois encore mouillé
En m'enivrant des odeurs fortes de la mer
Mon coeur frémit
Et presque il s'arrête
EXCLUSION
Les voisins sont venus jouer
Sur le pré
Le vent soufflait dans leurs reins
Je me sentais complice de leurs ébats coquins
Je courais vers eux
Et chaque fois je tombais
Personne ne riait
Et je recommençais
Les voisins sont venus jouer
Dans le pré
Paix à leurs âmes guerrières
Je les ai tuées
En riant
J’étais heureux
Personne ne m’attendait
Ma raison se fissurait
Dans leurs yeux je voyais de la surprise
Dans leurs coeurs des friandises
Laissez-moi aller vers eux
Moi aussi je suis heureux
Les voisins sont venus jouer
Dans mon pré
Et quand j’ai crié très fort mon bonheur
Ils ont eu très peur
Laissez-les vivre
Laissez-moi les découvrir
Les voisins sont venus jouer
Dans mon pré
Hélas je ne puis être des leurs
Car je crie et je pleure
On me fait rentrer à la maison
Je ne sais pour quelle raison
Les voisins sont en train de jouer
DESCENDRE
Le cheval fou de l'Espoir
S'est emballé
Et je n'arrive plus à contrôler sa course
Son galop enfiévré
Me conduit vers des terres inconnues
Éclairées par un soleil rouge
Et j'entends des carillons étranges
Sonner sans cesse précipitamment
Les heures de ce temps que j'ai tant aimé
Et que je veux à présent effacer de ma mémoire
Mais bientôt la course s'apaise
Et des mains frêles et tremblantes
Caressent le flanc palpitant de la bête
Elle semble aimer
Elle baisse humblement sa noble tête
Moi je reste toujours en selle
Je voudrais atteindre tout de suite
Les crêtes
Là où l'air est pur
Je vais pouvoir enfin respirer
Tranquille
Jusqu'à la fin des jours
Voir les choses et les hommes de loin
De loin
Mais les hommes m'empêchent d'aller plus loin
Ils veulent que je m'arrête sur mon destin
La fumée des incendies
Que j'ai allumés dans un lointain passé
Et laissé brûler
Sans jamais m'en soucier
La fumée me fait pleurer
Je ne vois plus rien
Je ne veux plus rien
Surtout pas de leurs mains
Je veux fuir sur le Chemin
Je ne veux pas être aimé
Admiré ou approuvé
Je veux être libre
Être moi-même
Et repartir tout de suite vers demain
Mais Il n'obéit plus
II aime la chaude pluie
Des mains et des yeux silencieux
Qui tombent doucement
Sur sa fatigue
Accumulée pendant des siècles de fierté
Alors
je
Descend
MASQUE BLANC
Ma conscience est sans visage
Elle ne cherche pas son âge
Elle est comme un matin
Qui n'a pas de fin
Elle est comme la lumière
Qui elle-même s'éclaire
Elle n'a donc pas de mots
Pour dire ce qui est le bien et le beau
Car il n y a rien sous le voile
Que l'infini et ses étoiles
L’éternité du maintenant
Dont Vous est le seul élément
Car c'est ainsi qu’est votre évidence
C'est mon existence qui danse
Quand je vous regarde avec amour
Sans attendre une image en retour
Colère tristesse et allégresse
Ne sont alors jamais à mon adresse
Mais comme de libres fleurs
Qui puisent leurs parfums dans mon cœur
ÉLÉVATION
Nous baladerons nos vies
Dans des royaumes innocents
Et nous baiserons les pieds de l'oubli
Le pardon nous donnera les ailes nécessaires
Pour atteindre l'amour vrai
Celui qui ouvre les cœurs
En y faisant parfois des plaies béantes
D'où coulera le sang noir de la rancune
Alors nos regards s'éclairciront
Et nous monterons main dans la main
Par ces chemins secrets
Qui mènent là d'où personne n'est revenu
Nos lèvres tremblantes balbutieront des mots
Qui feront frémir les esprits sauvages
Galopant dans cette plaine immense
Où nous passerons tranquillement
Désarmés jusqu’aux dents
Pour mieux goûter au firmament
ÇA VA MIEUX (1 extrait)
Un oiseau est venu chanter auprès de mon arbre
Je m'étais assoupi au bord d'une oasis
J'attendais sur le côté d'une route
Que je ne voyais pas
Je ne sais pas où je vais
Je ne sais pas où je suis
Mais je sais enfin qui je ne suis pas
Je vais pas par pas
Le rire d'enfants
Heureux comme des petits dieux
A fait vibrer mon coeur
Il vit mieux
LA MORT DU RÊVEUR (1 extrait)
Visages de femmes dans la nuit
Que j’ai autrefois entrevus
Je les croisais dans les rues
Sans faire de bruit
J’étais par nature amoureux
Je les trouvais tous beaux
Et je passais silencieux
Sans dire un mot
C’était un défilé sans fin
De petits bonheurs passagers
Et j’aimais ce chemin
Où sans cesse je rêvais
C’était un rêve sans retour
Je n’attendais rien
Il me suffisait d’entretenir mon amour
Pour me sentir vraiment bien
On m’aurait pris pour un simple d’esprit
Si j’avais dit la douceur de ma joie
Personne ne m’aurait compris
On m’aurait montré du doigt
VOYAGE
Oui c’est vrai j’ai souvent fait ce voyage
Oui c’est vrai j’ai souvent franchi le grand passage
Et j’en suis toujours revenu
Bien qu’à chaque fois ce n’était pas prévu
Mais cela se fait quand même
Peut-être parce que c’est une chose que j’aime
Je veux dire que je l’aime trop
Alors on me fait revenir illico presto
Les gens de là-bas n’aiment pas les touristes
Ils les considèrent comme des fumistes
Pour eux il ne faut pas se contenter de visiter
Mais il faut vraiment s’y installer
C’est vrai que c’est un beau lieu de résidence
Comme il n’en existe pas dans cette existence
Mais c’est aussi un peu ennuyeux
De voir tous les jours tout le monde heureux
Ce n’est pas ce que ça me coûte
De prendre souvent cette route
Ça vaut vraiment le détour
Et c’est un trajet très court
Pas le temps d’admirer le paysage
Il vous suffit de changer d’âge
Et pour revenir il ne s’agit pas de rajeunir
Car là-bas il n’y a ni passé ni avenir
Mais il faut simplement perdre la conscience
Et se laisser retomber dans l’ignorance
Par exemple en pensant beaucoup
On tombe dans un immense trou
Et l’on traverse l’espace
Á la vitesse de la disgrâce
Mais comme je vous l’ai dit
C’est bien mieux ainsi
Dans d’aussi belles demeures
Les visites les plus courtes sont les meilleures
C’est trop bien pour moi
Ou peut-être j’ai l’impression que je ne le mérite pas
J’y parviens toujours par inadvertance
Quand j’oublie mon existence
Quand je suis tellement distrait
Que j’oublie mon intérêt
Quand je me sens être personne
Et qu’au hasard je m’abandonne
Alors je me sens par tout envahi
Et je ne sais plus qui je suis
C’est cela le grand voyage
C’est ne plus voir son propre visage
C’est devenir ce que l’on voit
Et tout ce que l’on perçoit
Ce n’est pas une question de technique
Pas besoin de connaissance scientifique
Car il faut beaucoup de légèreté
Comme à la lumière il faut de la fluidité
Il faut abandonner toute mémoire
Ne plus délimiter son territoire
Et alors on voit tout verticalement
On change radicalement de plan
Mais je le répète ce n’est pas si extraordinaire
Du moins quand on n’a pas une âme de sédentaire
Quand son esprit erre et ne s’attache à rien
Et que l’on perd toujours son chemin
Enfin peut-être qu’un jour j’en ferai ma résidence principale
Un jour de grande fatigue générale
J’ouvrirai vraiment mes yeux
Afin de situer exactement ce lieu
L'OISEAU BLANC (extraits)
- Éditions La Nouvelle Proue, 1989.
Edmond Chemin, 2016.
L'OISEAU BLANC
Je vois.
Je vois l'Oiseau.
L'Oiseau descend sur toi.
Il est blanc.
La mer est bleue comme tes yeux.
Elle ne compte pas ses tourments.
Elle va et vient au rythme des saisons et des marées.
Elle contient des poissons qui communiquent entre eux.
Moi, je ne puis communiquer avec toi, mon tourment.
Mais je vois très bien l'oiseau qui, tout doucement, descend vers toi.
Il t'aime.
Et tu ne le sais pas.
Il est pur et beau.
Et tu ne le sais pas.
Ne bouge pas !
Il pourrait prendre peur et s'éloigner à jamais.
Laisse-le venir vers toi !
Ne t'impatiente pas.
Ne tends pas les bras.
Tu peux avoir peur de l'Oiseau
Car tu ne le mérites pas.
Mais il t'aime et te trouve beau.
Peux tu accepter cela ?
AUBE
Cet homme si seul et si fort
Qu'il ne changea pas après sa mort
Et que très loin dans la nuit hésitante
J'entends toujours l'écho de sa voix violente
Il ne me parlait pas
Il me regardait parfois songeur
Le gris-vert de ses yeux me faisait peur
Ils avaient la couleur du temps qu'il fait en Bretagne
Quand il fait doux mais que l'air de grisaille
Vous fait trembler à l'extérieur et exalté à l'intérieur
Humidité tendre du temps souvent masquée par les tempêtes océaniques
Arbres soumis qui sans cesse se redressent et puis ils se courbent encore plus bas
Jusqu'à la fêlure
Ou jusqu'à l'usure
Je tends mes mains mécaniques
Je les voudrais magnétiques
Car je ne sais comment leur toucher le cœur sans briser leur bois
Sur la voie lactée une étoile a bougé
Et j'ai encore pensé
Une goutte de pluie est tombée
Une seule esseulée
J'ai alors crié très fort dans la nuit mourante
(La lune était absente)
C'était un cri d'angoisse
Debout les bras levés comme implorant une grâce
C'est vrai je crois j'atteignais le fond
Je t'ai appelé par ce que je croyais être ton nom
Je croyais encore à l’ascendance
Et tu m’as répondu par le silence
L'INACCESSIBLE
Derrière ce bouclier aux larmes d'or,
Il y a les armes de ton corps.
Derrière le charme de ton visage,
Il y a la chaleur d'imminents orages.
J'ai pris ta main dans ma main.
Y sera-t-elle encore demain ?
Elle tremble, elle est chaude,
Comme un oiseau pris en fraude,
Comme un regard qui n'ose se poser,
Qui n'ose non plus s'envoler.
Quand le voilier craint la tempête,
Sa mâture devient discrète.
Au plus profond de moi, comme un écho,
Mon cœur se brise en mille morceaux.
C'est d'un roc pur l'étrange naufrage :
Je m'abandonne à ton image.
Mon esprit capitule.
Je meurs.
Je cherche ton sourire, ton odeur.
Respecteras-tu toujours ma maladresse,
Ô toi qui jamais ne me blesses ?
L'enfant tombé de sa nuit,
Qui appelle et souffre sans un cri,
Craint une trop vive lumière ;
Il guette l'ombre tendre de sa mère.
Mon amour est bien pour toi !
Il se veut clair comme ta foi.
Mais la chair est fragile,
Même quand l'esprit est tranquille !
Je fis jadis ce rêve enfantin
D'une étoile bleue qui, chaque matin,
Se couchait dans le lit d'une rivière.
Un jour, elle garda sa lumière.
Mais, me dis-je, est-ce un jeu du ciel
Qui me fait voir ce qui est éternel
Dans le reflet de ton image,
Au cœur de mon amoureux paysage ?
L'arbre se tend vers les cieux,
Mais jamais il ne devient bleu.
Tout mon être se tend vers une reine,
Mais jamais il ne la fera sienne.
Comme l'arbre, j'avais un corps.
Je me croyais alors très fort !
A présent, je suis en pleine croissance :
J'ai reconnu mon impuissance.
TOURMENTE
Toi dont le cœur est à la fois doux et amer,
Comme une pluie chaude fond dans la mer,
Froide et nue, profondément indifférente,
Choisiras-tu enfin entre le naufrage et la tourmente ?
La fleur éclatée au bout du chemin
N'avait pas d'ailes pour exhaler son parfum.
Mais, autour d'elle, volaient trois vives abeilles
Qui faisaient de son arôme une exquise merveille.
J'ai eu mal au plus profond de mon corps
Quand j'ai rencontré ton regard mort.
Mais les bruits de la tempête cachent les cris de détresse,
Et, pour survivre, la fleur sauvage s'entoure de tristesse.
L'enfant blessé, tombé, et qu'on a encore humilié,
Va-t-il se relever ? Va-t-il chanter, cracher ou pleurer ?
J'ai peur de lui tendre ma main, qui tremble...
J'ai peur, tellement peur qu'il me ressemble.
Personne n'a frappé. Pourtant tu as crié : « Entrez ! ».
C'est ce que cette nuit j'ai rêvé.
Il y avait bien quelqu'un à la porte.
J'ai alors pensé que tu étais très forte.
L'homme qui est entré s'est jeté dans tes bras :
Ils se sont refermés sur lui comme une croix.
Soudain, il est tombé lourdement par terre,
Et j'ai vu que c'était une statue de pierre.
Je crois qu'à ce moment tu as poussé un horrible cri.
Mais, tout de suite après, tu as beaucoup ri.
Et, à la place de ton cœur, il y avait une lumière
Qui coulait vers moi, comme une chaude rivière.
DÉSERTE
C'est dans un désert que je te rencontrai, fleur étrange,
Dont le parfum était couleur d'orange
Et dont le cœur s'ouvrait, nu, au soleil cruel,
Qui le blessait ardemment en traversant ton ciel.
Au loin, se levaient de lourds nuages,
Et déjà je voyais accourir l'orage.
Alors tu te refermas comme une main,
Frissonnante à l'heure du lever-matin.
Et je me demandai : est-elle forte ou fragile,
Celle qui demeure seule, accrochée à son île,
Hantée et protégée à la fois par les voix
Qui ont gardé la douceur nostalgique de l'autrefois ?
Je me dis que vaines seraient mes caresses,
Car trop lointaine est ta tendresse.
Parfois tu bondis et ris comme une enfant.
Sais-tu qu'un enfant peut aussi être méchant ?
Fleur de cimetière, n'es-tu qu'une ombre fugace ?
Comme l'oiseau dont le chant se lasse
D'appeler en vain l'éclat des beaux jours,
À en pleurer de ce cri d'amour...
Mais quel est ton nom, quel est ton rêve ?
Dis-le, enfin, ce que jamais tu n'achèves,
Ce que jamais tu n'as repris ni appris
Si bien qu'à présent tu es sans abri...
INSAISISSABLE
Homme aux mille visages
J'ai aperçu parfois ton image
Lointaine mais vraie comme un mirage
Familière comme un proche paysage
Nuée fragile du petit matin
Que le vent jette déjà au lointain
C'était un petit être dans un chemin
Assis seul avec son chagrin
Ce n'était pas un archange
Plutôt un enfant étrange
Qui voulait qu'on le venge
Sans que ça dérange
C’était un animai de zoo
Que les gens regardent de haut
Il n'a pas chaud
Il n'a que sa peau
C’était un voilier au bord de la tempête
Il frémit et s'arrête
Ça va être sa fête
Ça va être ma fête
C'était un amoureux nu
Et honteux d'être ému
Par le discret salut
D'un autre amoureux nu
D'un soir la tendre prière
Lorsqu'on ignore encore sa misère
Et qu'on croit toujours à sa mère
C'était la tendresse de la terre
Mais c'est déjà la nuit
Qu'est-ce qui est gris
Je ne vois que ce qui brille
QUESTIONS TARDIVES
Toi qui as cru si vite à mes mensonges,
Et, à présent, mille questions me rongent,
Tes yeux n'avaient-ils pas toujours leur vif éclat ?
N'as-tu pas jusqu'au bout gardé ton sang-froid ?
Sans doute n'attendais-tu que je t'ouvre la porte !
Sans doute craignais-tu que je ne supporte
D'entendre de ta voix qu'il n'y aurait plus rien
Entre nous, sauf quelques souvenirs câlins.
Sans doute es-tu maintenant dans les bras d'un autre !
Et tu as déjà oublié ces moments que furent les nôtres.
Non, tu ne peux avoir déjà oublié ! C'est impossible !
Rappelle-toi, cet été...
Dis-moi que tu m'as caché ta détresse,
Et mon cœur bondira alors de tendresse !
Mais tu m'as dit que nous resterions amis.
Alors, c'est que vraiment c'est fini !
N'y a-t-il pas en effet de meilleure preuve
Que de devenir l'un pour l'autre une bonne œuvre ?
N'est-ce pas ce que l'on appelle un doux mépris ?
Quand le feu est éteint, il n'a plus besoin d'abri.
Pourtant, dans mes pensées, il y a sans cesse ton visage.
Et mon corps n'arrive pas à tourner la page.
Comme un livre qui n'aurait pas de fin,
Sauf de recevoir la caresse de tes mains.
Parfois le soir, dans tes bras, mon rêve se refuge.
Pour m'endormir c'est un merveilleux subterfuge.
La nuit a alors la douceur de ta peau,
Et tu es la mer dont je suis l'enfant-bateau.
Puissions-nous, un jour, échouer tous deux sur la même grève
Et découvrir qu'enfin se réalise le rêve...
Mon amour, sais-tu que je t'ai vraiment aimée ?
Et surtout sauras-tu combien j'en ai pleuré ?
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