LA VIE APRÈS LA MORT
Poèmes de J.P. Inisan,
extraits de ses livres.
(Reproductions autorisées avec mention de la source)
LE GRAND TUNNEL
DE LA VIE ET DE LA MORT
Dans cet étrange long tunnel
Qui m’amène vers je sais quel ciel,
Je ne me souviens déjà plus de mon visage
Et encore moins de mon âge.
En route vers un monde lumineux,
Je vous vois de mieux en mieux.
À présent que vous n’êtes plus des images
Je voudrais vous envoyer de beaux messages
Pour vous dire que même si je m’en vais
Je continuerai toujours à vous aimer
Et qu’il ne faut plus penser à ma souffrance,
Car ici je n’en ai plus la souvenance.
Ici je n’ai pas réellement de corps.
Il ne m’a pas suivi, il est resté là-bas, dehors.
Il appartient à une autre histoire,
J’en perdrai même bientôt la mémoire.
Mais je vous vois sur lui vous pencher et pleurer.
Je voudrais vous crier que vous vous trompez,
Qu’il n’a été qu’un étroit habitacle
Qui a connu une très prévisible débâcle.
Je voudrais vous dire que ce n’est plus moi,
Que de la matière brute je ne subis plus la loi.
Ici maintenant je suis fait d’une subtile substance
Qui rend mon champ de vision immense.
Et je dédie l’immensité de mon amour
À toi la douce compagne de mes derniers jours,
À vous mes enfants pour vous faire oublier mes absences,
Vous donner en la vie et en la mort une totale confiance,
Pour vous faire connaître du vrai bonheur le secret
Qui est d’aimer les autres sans rien en espérer,
Car alors plus rien ne vous limite,
Et votre vie devient bien plus qu’une réussite.
Mais voici que je rencontre de rayonnantes entités.
Inconditionnellement je me sens par tous aimé.
Et je vois toujours vos chers visages,
Ils font partie de mon nouveau paysage.
Jean-Paul Inisan, Traces de vies, Edmond Chemin, août 2023
LUMIÈRE DE L'ÂME
Pardon, Maman, d'être partie
Sans t'avoir d'abord avertie,
Mais je n'ai pas choisi mon heure
Pour m'installer dans ma nouvelle demeure.
Je me suis retrouvée soudain ici,
Très loin de ma famille et de mes amis.
Bien sûr, c'est un lieu paisible et indestructible,
Où je ne serai plus jamais une anonyme cible.
Mais tout de même je suis partie trop tôt,
J'aurais voulu revoir notre maison au bord de l'eau,
Jouer et courir de nouveau sur la grande plage
Avec mon petit chien, faire de grands voyages.
J'aurais voulu connaître la fin de tous nos maux
Et apprendre enfin le vrai sens des mots.
J'aurais voulu avoir une gentille maîtresse
Qui m'aurait appris ce qu'est la sagesse.
Car c'est vrai que j'ai été une difficile enfant.
Malgré le danger nuit et jour présent
Je riais souvent comme une folle.
Bizarrement, cette vie me paraissait drôle !
Je sautais, criais, chantais et courais partout
Et tu devais souvent me panser les genoux.
Mais tu le faisais avec une telle délicatesse
Que tes gestes étaient comme des caresses.
Oui, Maman, je ne te le disais pas,
Tout l'amour que j'avais pour toi,
Mais c'est vrai que je n'étais pas un ange,
Ce n'était pas mon genre de faire des louanges.
Pour jouer je préférais les garçons.
Nous jouions à la guerre et au ballon,
Nous jouions à cache-cache
Entre les toiles et les grandes bâches.
Le premier qui me trouvait,
Je lui donnais un baiser
Et je détalais aussitôt comme une gazelle,
Rapide et légère, comme si j'avais des ailes.
Un jour, j'ai fini par m'envoler.
Un matin clair, quelque chose du ciel est tombé.
Il y a eu alors comme le fracas d'un énorme orage
Et j'ai changé brusquement de paysage.
D'ici je t'entends et je te vois très bien.
Je vois ton désespoir et ton chagrin,
Je vois les larmes couler sur ton beau visage.
J'espère que tu recevras ce message !
Maman, il te reste mes frères et mes sœurs.
Tu sais, ils restent présents dans mon cœur.
Je vous protégerai tous par l'infinie puissance
Que me donne mon nouveau lieu de résidence.
HUMILITÉ
Le temps est comme un cercle fermé
Où le futur est aussi le passé
Le temps n'est qu'un aspect de l'espace
Et l'espace n'est que du temps qui se tasse
C'est ce que j'ai appris en observant la nuit
Nous avons tous plusieurs vies
Et elles ne sont pas seulement antérieures
Elles ne sont pas seulement intérieures
Elles existent aussi toutes ici et maintenant
Séparées de nous par un invisible écran
Et il faut passer par-dessus les images
Pour percevoir un autre langage
Il faut surtout beaucoup d'humilité
Renoncer à nous en flatter et à en profiter
Il nous faut respecter le secret et le silence
Si nous voulons avoir la connaissance
Vous me dites : en quoi cela peut-il me faire grandir
Si je ne peux pas réellement m'en servir
La réponse est que la vérité se suffit à elle-même
Sinon elle ne serait qu'un nouvel emblème
Qui nourrirait mes désirs et mes peurs
Source inépuisable de toutes mes erreurs
En valorisant ma seule existence présente
Ma démarche serait encore plus limitante
Mais en acceptant d'être plusieurs destins
Tout en paraissant n'en assumer qu'un
En n'en parlant ni en ne le montrant à personne
En restant à ce sujet invisible et totalement aphone
En ne croyant jamais être aux autres supérieur
Ni non plus être devenu un homme meilleur
Vivant une existence modeste et discrète
N'attendant pas que l'on me glorifie ou qu'on me fête
Je maintiens le lien avec mes alliés de la nuit
Car ils détestent la lumière et le bruit
Ils préfèrent que l'on croit à leur absence
Plutôt que l'on vénère leur soi-disant toute-puissance
VOYAGE
Dans cette vie avant la vie
Je n'ai pas pris le temps de prévoir l'oubli
Et me voici maintenant comme un inutile présage
Je ne sais plus quel est mon âge
Je n'avais pas inscrit sur un mur ma vérité
Et voilà que maintenant je ne peux que dire : j'ai été
Est-ce ainsi que mes anciens destins se vengent
Ne voulaient-ils pas pourtant que je change
Un oiseau s'est envolé sans me dire un mot
Je ne m'attendais pas à ce qu'il me dise que j'étais beau
Mais j'attendais quand même un message
J''espérais secrètement qu'il entre dans ma cage
La nuit s'enfonce en moi en plein midi
Ce n'est pas que je la considère comme une ennemie
Mais cela n'a aucune signifiance
De rentrer en pleine lumière dans mon existence
Du coup mon cœur vibre comme un gigantesque gong
Avec une onde grave très très longue
Il répond par une étrange dissonance
C'est comme un écho qui entre jour et nuit sans cesse se balance
J'entends aussi comme des chants qui viennent de très loin
Et il y a des rires d'enfants cristallins
À l'infini je colle fermement mon oreille
Mais l'intensité sonore reste à peu près pareille
[...] Quel est donc mon vrai nom et ma vraie destination
Peut-être suis-je coupable d'une usurpation
En fait je me soupçonne depuis toujours de graves impostures
Je ne me sens pas à ma place dans cette foutue aventure
Ah de beaux miroirs brillent là-bas juste devant moi
Je me place en face de l'un d'eux mais je ne me vois pas
Ce qui apparaît c'est un inconnu un autre visage
Mais un autre miroir me renvoie de moi une autre image
J'essaye un troisième mais ce que je vois est encore différent
Il me semble entendre rire mais non c'est la musique du vent
Qui fait grincer les branches et chanter les feuilles
Mes images de moi sont comme des fruits que je cueille
Finalement je dois me résigner à accepter qui je suis
Et je crois que mon voyage se termine ici
Finalement il n'était pas si désagréable
Même s'il reste tout à fait improbable
SYNCHRONE
[...] Tu n'es pas que toi-même
Tu n'es pas que ce que tu aimes
Tu n'es pas que ce que tu te souviens avoir fait
Tu n'es pas que ce que tu te souviens avoir été
Tu n'es pas que le contenu de ta mémoire
Tu as en même temps plusieurs histoires
Celles dont tu te souviens plus ou moins
Et puis de nombreux autres inconscients destins
Comme dans une bibliothèque immense
Tu te choisis toujours plusieurs existences
Ce sont celles qui aujourd'hui sont là devant toi
Et que pour le moment tu ne vois pas
Parce qu'elles ne sont pas à ton image
Elles sont pour toi des vies de bas étage
Tu ne te sens pas être leur immuable contenant
Ni être chacune d'elles ici et maintenant
Tu donnes à une seule vie le monopole
En jouant partout et toujours les mêmes rôles
Pour toi-même et pour les tiens
Tu veux toujours davantage de biens
En ne percevant des autres que l'apparence
Tu te condamnes à une infranchissable distance
Qui est à la fois une durée et une étendue
Qui ne peuvent être consciemment perçues
Que ce soit dans le temps ou dans l'espace
Tu crois seulement à ce qui se reflète dans une glace
À ce qui là-bas à distance est déjà mort
Plutôt qu'à ce qui ici de vie est plein à ras-bord
Tu crains par-dessus tout l'incohérente alliance
D'une multiplicité de vécus et d'une seule conscience
En ne ressentant consciemment qu'un seul corps
Des autres tu ne connais que le dehors
En reconnaissant dans les miroirs ta figure
C'est ton propre territoire que tu clôtures
Tu galopes sans cesse dans un interminable couloir
Sans jamais voir ce qu'il y a derrière les miroirs
Sans jamais ouvrir les fenêtres
Pour regarder à l'intérieur de ton être
Car tu y verrais le multiple et le un
Voguant sur les mêmes chemins
Tu y verrais tes multiples et bruyantes existences
Dans une seule et même silencieurse conscience
Dans le passé dans le futur et dans l'espace présent
C'est-à-dire toutes rassemblées ici et maintenant
ARCHITECTURE
Je l'appelais Scarabée
Et chaque fois elle me répondait
C 'était la fin de l'automne
Pour moi la vie était bonne
Mais soudain je suis parti
Je suis venu ICI
Ce n'était pas un long voyage
J'étais simplement au bout de mon âge
Parfois je l'aperçois là-bas
Elle a l'air heureuse sans moi
Ce n'est pas que ça me dérange
Mais je trouve cela étrange
L'intimité si dense du vécu quotidien
Et puis soudain le vide plus rien
C'est vrai que la vie ICI n'est pas difficile
C'est même très tranquille
On passe son temps en contemplation
Devant le processus sans fin de la création
ICI nous avons une vue panoramique
Sur un paysage magnifique
Mais on n'a pas le temps pour s'y attacher
Car ici il n'y a ni avenir ni passé
C'est comme une éternelle présence
Une belle vie mais sans l'existence
C'est pourquoi je ne suis pas jaloux
Quand je la vois à un autre faire des yeux doux
Ici nous ne possédons rien ni personne
Et personne ne nous nomme
Ici le spectacle est permanent et toujours nouveau
Mais il n'y a ni bons ni méchants ni laids ni beaux
Simplement tout semble être complémentaire
Même la paix et les guerres les plus meurtrières
Ici tout finit toujours bien
Car le début recommence à la fin
Ici toutes les histoires sont comme des sculptures
Composant une infinie et mouvante architecture
LE GRAND VOYAGE
Oui c’est vrai j’ai souvent fait ce voyage
Oui c’est vrai j’ai souvent franchi le grand passage
Et j’en suis toujours revenu
Bien qu’à chaque fois ce n’était pas prévu
Mais cela se fait quand même
Peut-être parce que c’est une chose que j’aime
Je veux dire que je l’aime trop
Alors on me fait revenir illico presto
Les gens de là-bas n’aiment pas les touristes
Ils les considèrent comme des fumistes
Pour eux il ne faut pas se contenter de visiter
Mais il faut vraiment s’y installer
C’est vrai que c’est un beau lieu de résidence
Comme il n’en existe pas dans cette existence
Mais c’est aussi un peu ennuyeux
De voir tous les jours tout le monde heureux
Ce n’est pas ce que ça me coûte
De prendre souvent cette route
Ça vaut vraiment le détour
Et c’est un trajet très court
Pas le temps d’admirer le paysage
Il vous suffit de changer d’âge
Et pour revenir il ne s’agit pas de rajeunir
Car là-bas il n’y a ni passé ni avenir
Mais il faut simplement perdre la conscience
Et se laisser retomber dans l’ignorance
Par exemple en pensant beaucoup
On tombe dans un immense trou
Et l’on traverse l’espace
Á la vitesse de la disgrâce
Mais comme je vous l’ai dit
C’est bien mieux ainsi
Dans d’aussi belles demeures
Les visites les plus courtes sont les meilleures
C’est trop bien pour moi
Ou peut-être j’ai l’impression que je ne le mérite pas
J’y parviens toujours par inadvertance
Quand j’oublie mon existence
Quand je suis tellement distrait
Que j’oublie mon intérêt
Quand je me sens être personne
Et qu’au hasard je m’abandonne
Alors je me sens par tout envahi
Et je ne sais plus qui je suis
C’est cela le grand voyage
C’est ne plus voir son propre visage
C’est devenir ce que l’on voit
Et tout ce que l’on perçoit
Ce n’est pas une question de technique
Pas besoin de connaissance scientifique
Car il faut beaucoup de légèreté
Comme à la lumière il faut de la fluidité
Il faut abandonner toute mémoire
Ne plus délimiter son territoire
Et alors on voit tout verticalement
On change radicalement de plan
Mais je le répète ce n’est pas si extraordinaire
Du moins quand on n’a pas une âme de sédentaire
Quand son esprit erre et ne s’attache à rien
Et que l’on perd toujours son chemin
Enfin peut-être qu’un jour j’en ferai ma résidence principale
Un jour de grande fatigue générale
J’ouvrirai vraiment mes yeux
Afin de situer exactement ce lieu
Poèmes de mon nouvel âge, 1998, 2014, nouvelle édition décembre 2016.
TU ES LUMIÈRE
Tu es lumière et tu retourneras en lumière
Au-dessus des nuages le ciel est toujours bleu
C'est à la fin de la nuit que le soleil se lève radieux
Tu es lumière et tu retourneras en lumière
La conscience est ta plus haute substance
On t'a appris que c'est le corps son bel écrin
En vérité c'est elle qui constamment l'étreint
Elle te donne son indestructible transparence
Et cette flamme ardente qui au fond de toi brûle
A sa source dans l'instant présent
Elle nourrit partout le vivant
Elle ne connaîtra jamais de crépuscule
Ici c'est toujours un autre que tu aimes
C'est un chemin sans début et sans fin
Comme un perpétuel nouveau matin
C'est en changeant sans cesse que tu restes le même
Tu es éternel car tu ne te fixes pas à une image
Tu meurs maintenant
Et tu renais l'instant suivant
Tu es un interminable passage
Nuages et rêves passent
Mais rien ne bouge Ici
Tout est clair chaud silencieux Ici
Ici tu contiens le temps et l'espace
Tu ne crois pas aux apparences
Des autres tu perçois clairement les auras
Et tu peux leur dire quelle sera leur voie
Mais de toi-même tu es dans la plus totale ignorance
Tu voudrais leur donner en abondance
Mais comme tu ne possèdes rien
Ce que tu leur donnes est au-delà du mal et du bien
C'est de leur existence la lumineuse conscience
Tu es lumière et tu retourneras en lumière
Au-dessus des nuages le ciel est toujours bleu
C'est à la fin de la nuit que le soleil se lève radieux
Tu es lumière et tu retourneras en lumière
UN NOUVEAU CHEMIN
Une pluie de feu et de sang
L'immensité du ciel qui soudain s'embrase
Faisant éclater une insupportable stase
Tout est fini maintenant
Comment ai-je pu y échapper
Je n'espérais pas cette étrange miséricorde
Car j'étais du côté de la horde
Je n'étais pas du côté de la pitié
J'étais du côté de la cruauté
Et je jouissais de ma violence
En une trépidante et permanente transe
Je ne me lassais pas de tuer
J'en avais fait une profession
Dans mon métier j'étais implacable
Et toujours du pire capable
J'avais pour la violence une passion
ll me fallait toujours aller plus loin
Et je n'attendais pas qu'on me pardonne
Je n'attendais pas que l'heure de la trêve sonne
Il y avait toujours en moi cet impérieux besoin
Mais j'ai été rejeté ailleurs au loin Très loin
Comme une vieille carcasse qui explose
Et si aujourd’hui je peux à nouveau respirer la rose
C'est parce que je suis sur un autre chemin
C'est le chemin d'une nouvelle vie
Pas encore une vie de sagesse
Pas encore une vie de tendresse
Mais c'est à moi-même un nouveau défi
Le défi d'un nouveau destin
Celui où je ne dispose d'aucune puissance
Sauf celui d'un humble silence
Sauf celui de n'être plus rien
JUSTE PARTI FAIRE UNE COURSE
Ma chérie, ne pleure pas : rien n'a changé,
Tout est resté comme durant ces belles années.
Je suis juste parti faire une course
Tout près de la Grande Source.
Tu sais, celle qu'on aimait tant écouter,
Et rien n'a changé : elle nous fait toujours chanter.
Viens encore ici écouter sa céleste musique,
Vivons encore ensemble des moments magiques.
La main dans la main, le cœur dans le cœur,
Savourons encore longuement notre bonheur.
Ressens encore tout près de toi ma présence,
Du véritable amour l'indestructible permanence.
Je ne suis pas parti très loin,
Je suis là-bas un peu après le jardin.
Je suis juste parti faire une balade,
Par le petit sentier une promenade.
Le temps est toujours très court
Quand il est traversé par l'amour.
Regarde, à chaque instant je te fais signe,
Avec toi je suis constamment en ligne.
Il n'y a jamais eu d'interruption,
Nous serons toujours en connexion.
Pas besoin de cultiver nos mémoires
Pour croire à la suite de notre histoire,
Car tout se passe maintenant et ici.
Que ce soit le jour ou la nuit,
Je réchaufferai ton cœur de ma flamme,
Je te donnerai le meilleur de mon âme.
Il me suffira de continuer à t'aimer,
Il me suffira simplement de te regarder,
Il me suffira simplement de t'entendre,
Il me suffira simplement de te comprendre.
Même si à un autre tu devais te lier
Je ne cesserais jamais de t'aimer.
C'est dans la plus totale transparence
Que je bénirais alors votre romance.
Ma chérie, ne pleure pas, rien n'a changé,
Tout est resté comme durant ces belles années.
Je suis juste parti faire une course
Pas très loin de la Grande Ourse.
ÉTOILONS
Nous sommes tous des étoilons
Et nous ferons tous un jour le grand bond,
Celui qui nous ramènera à la Lumière
Qui est notre origine première.
Ce sera à l'Éternel le retour,
Le retour à notre vrai premier amour.
Nous sommes tous nés des étoiles
Et c'est en nous élevant tout droit à la verticale
Que nous retrouverons notre vraie maison,
Celle que dans la nuit nous apercevons,
Mais dont nous n'avons pas conscience
Qu'elle est notre véritable substance,
Sauf parfois quand nous prenons le temps
D'être au Mystère totalement présent.
Et alors, perdant de notre image la trace,
Nous agrandissons à l'Infini notre espace.
Jean-Paul Inisan, Traces de vies, Edmond Chemin, août 2023
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RÉINCARNATION
Sans l'uniforme je me sens perdu
Et je ressens toujours ma blessure
Qui ne guérit pas sous mon armure
C'est celle de n'avoir rien vu
On m'a tiré une balle dans le dos
Et je m'en veux ce ne pas avoir senti la menace
Et surtout de ne pas avoir pu faire face
J'en ai toujours le cœur gros
Il venait d'arriver sur la position
Je ne le connaissais pas mais c'était un camarade
Il était arrivé un peu après l'embuscade
Et de la résistante j'avais déjà décidé l'exécution
Je l'avais abattue devant lui avec mon propre pistolet
En la regardant bien en face pour honorer son courage
Et ensuite j'avais brièvement fait son hommage
Et de cela il avait eu l'air choqué
Il m'a demandé si comme lui j'étais lieutenant
Alors j'ai appelé un officier parmi mes hommes
Celui qui était le moins autonome
Car je savais qu'il me répondrait : Oui mon commandant
C'est peu après quand je me suis éloigné
Qu'il m'a abattu par derrière
Par une traîtrise meurtrière
Sans doute parce qu'il s'était senti humilié
C'est une douleur qui me traverse toujours le corps
Du côté gauche de la poitrine
Elle me lancine et me mine
Surtout quand mon ressentiment est fort
Et que j'en ai accumulé longtemps sans réagir
Sans exprimer mes contrariétés ou même mes colères
Et mon attitude n'est alors pas très claire
Elle est comme l'empreinte d'un mauvais souvenir
Je ressens une vague mais très forte suspicion
Envers les autres je suis dans la méfiance
Je crains toujours une manœuvre déloyale
Quand une personne prétend me parler d'égale à égale
Quand une personne s'intéresse à moi
Intérieurement je me sens tout de suite à la dérive
Ma douleur à la poitrine devient vive
Mon cœur à mille à l'heure bat
Il s'emballe comme un train fou
Et c'est mon esprit qui déraille
Et ma confiance en moi qui défaille
Je crains un horrible piège et réagis comme un loup
Mais un loup qui aurait perdu son instinct
Un loup infirme et de bas étage
Qui enfermé dans une étroite cage
Voudrait pour se libérer devenir le plus servile des chiens
Je me sens prisonnier des jugements
Je me sens par les autres pris en otage
Je crains de leur donner de moi une piteuse image
Celle d'un animal sauvage ou d'un homme peu franc
C'est vrai qu'aujourd'hui j'ai pris un nouveau chemin
Mais de mon ancienne vie il reste une profonde trace
Et de ce mal je ne sais comment on se débarrasse
J'attends je ne sais quel événement ou signe du destin
En attendant je m'efforce de donner de moi le meilleur
Je mène une vie humble presque pieuse
Mais ce n'est pas une existence vraiment heureuse
Car je me ressens comme étant un usurpateur
Est-il aussi facile de paraître soudain vulnérable et désarmé
Il doit je pense y avoir un sas une phase transitoire
Comme une sorte de moderne purgatoire
Qui permet de se libérer progressivement de son passé
Quand on a fait de la violence sa profession
Peut-on être si vite pardonné de ses erreurs et de ses crimes
Et recevoir en plus l'amour et la sécurité en prime
Ne devrait-on pas plutôt subir la plus sévère des sanctions
Je ne comprends ni le comment ni le pourquoi
De cette résurrection sans conditions préalables
Sans connaissance de l'irréparable
Tout cela est tellement différent de moi
Mais c'est mon nouveau chemin
Et il va falloir que je change de nature
Que j'accepte ma faute ma blessure
Ça ne va pas se faire du jour au lendemain
Il y aura encore des moments de confusion
Mais je parviendrai un jour à séparer mes deux existences
Et à retrouver une efficace clairvoyance
Je donnerai aux autres autant qu'à moi toute mon attention